Benoît de Ruffray, président-directeur général du groupe Eiffage, partenaire d’Agir pour le Climat, répond à nos questions.
Benoît de Ruffray, votre groupe est engagé dans la conception et la construction bas carbone, comment cela se traduit concrètement ?
Eiffage avait engagé dès 2006 une réflexion prospective de la mutation bas carbone de ses activités, principalement au sein de son laboratoire de prospective Phosphore qui a vu la concrétisation de ses recherches, notamment avec l’écoquartier Smartseille dans la capitale phocéenne.
Depuis, nous sommes passés à la vitesse supérieure avec une stratégie relevant du plus haut niveau de gouvernance du Groupe. Et cette année, un jalon important a été franchi avec la publication de notre premier rapport climat, établi selon les recommandations de la TCFD (Task Force on Climate-related Financial Disclosures). Nous y diffusons en transparence des informations essentielles telle que l’analyse des risques physiques et des risques de transition en lien avec le changement climatique qui peuvent peser sur nos activités. Nous publions aussi notre plan d’actions bas carbone, assorti des objectifs chiffrés de réduction selon un calendrier précis.
Cet exercice structurant permet de mettre en exergue nos activités « climato-compatibles ». Notre objectif est de les développer pour décarboner progressivement notre chiffre d’affaires, en phase avec le paquet vert européen et la taxonomie des activités économiques selon leur « durabilité ».
Dans vos secteurs d’activités, quels sont les freins qui limitent la possibilité de répondre à l’accord de Paris ?
Les freins sont pluriels mais j’en citerai deux principaux :
• C’est tout d’abord la prédominance du « business as usual ». Maîtriser les prix et finaliser le chantier à date et sans réserve est essentiel. Ce qui explique pourquoi des habitudes sédimentées depuis longtemps semblent évidentes et rassurantes, alors qu’il nous faut les réinterroger à l’aune du critère carbone.
• L’autre frein est économique et financier : il réside dans le poids écrasant du critère prix dans les appels d’offres, alors que les efforts environnementaux – en matière de carbone, d’économie circulaire ou de préservation de la biodiversité – font encore peu l’objet d’une demande explicite du client, et sont souvent assortis d’une note trop faible pour peser dans la décision finale.
Je pense que tout cela devra obligatoirement changer, et le plus tôt sera le mieux, afin de faire de l’environnement le critère différenciant majeur. Cela tirera immédiatement vers le haut le niveau environnemental des réponses de tous les acteurs du secteur.
Vous soutenez les actions de notre association Agir pour le climat, quelles sont vos motivations ?
Devant les défis du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité qui se cumulent, nous devons aller plus vite, ensemble, vers une économie post-carbone soutenable. Et dans cette urgence, toutes les initiatives publiques ou privées sont à étudier avec intérêt et ouverture d’esprit.
L’initiative de Jean Jouzel m’a séduit, bien sûr parce qu’elle est portée par un grand scientifique rompu depuis longtemps au sujet climatique, qui sait de quoi il parle et accélère la mise en place de solutions concrètes, notamment financières à l’échelle globale et européenne.
Ensuite, parce qu’elle est soutenue par un collectif représentatif de toutes les composantes de la société, dont les différences éventuelles ne pèsent pas devant la volonté commune de faire rapidement et durablement muter notre économie. C’est notre intelligence collective et la conscience de notre responsabilité partagée qui sont ici mobilisées.