Ces dernières semaines, depuis que la Commission européenne rend le nucléaire et le gaz éligibles aux financements verts, les discussions s’enflamment.
Il est bon de rappeler que la taxonomie (ou taxinomie) est la science des classifications. Elle était dans un premier temps réservée aux champs des sciences pour répartir en famille et en sous divisions les espèces animales et végétales.
En 2018, la Commission européenne a souhaité cataloguer les activités économiques en fonction de leur émission de gaz à effet de serre. Le principe est le suivant : « définir un seuil d’émissions de CO2 en-deçà duquel une entreprise sera considérée comme « verte », c’est-à-dire contribuant à l’évolution positive du climat ». Le seuil retenu est de 100g de CO2 par kWh.
Si cette mesure est non contraignante, ses auteurs pensent que la mise en lumière de la conformité des entreprises avec l’objectif de la neutralité carbone en 2050 incitera les acteurs du marché financier à privilégier des investissements verts apparaissant moins risqués.
Les Etats membres devront intégrer la taxonomie européenne dans leurs politiques publiques. Les entreprises de plus de 500 salariés seront soumises à cette classification, qu’elles appartiennent au secteur bancaire, de production industrielle ou des assurances.
En regardant de plus près, il apparaît des exceptions à la limite des 100g de CO2 par kWh. Ce seuil peut être dépassé par les entreprises dites transitoires, inscrites dans une trajectoire de décarbonation mais pour qui il n’existe actuellement pas de solution bas-carbone. Sont également concernées par cette exception, les entreprises aux activités dites « habilitantes ou favorisantes », émettrices mais nécessaires à la transition énergétique, par exemple celles qui fournissent des composants aux énergies renouvelables.
C’est au titre « d’énergies de transition » que la Commission européenne propose d’intégrer le nucléaire et le gaz dans sa taxonomie verte. L’argumentation repose sur le fait que ces sources d’énergie sont nécessaires pour sortir du charbon et répondre à la demande croissante d’électricité. Pour faire face à ces problématiques, le président français mise sur le nucléaire, quand l’Allemagne a recours au gaz. Les deux gouvernements ont trouvé un compromis surprenant qui suscite d’ailleurs la controverse chez les Verts d’outre-Rhin, membres depuis décembre 2021 de la nouvelle coalition gouvernementale allemande.
Effectivement, le classement du nucléaire et du gaz comme énergies vertes questionne. Au regard de l’objet de notre association nous laisserons à d’autres le débat sur les risques et le stockage des déchets du nucléaire, de la pollution de l’air et des risques géopolitiques liés au gaz.
Notre inquiétude porte sur les signaux envoyés. Le projet du redéploiement nucléaire français amène certaines personnes à dire qu’il n’est plus nécessaire d’investir dans la rénovation globale et performante des bâtiments. D’après eux, il suffirait de faire un minimum et la production d’électricité d’origine nucléaire fera le reste. Nous ne partageons bien évidemment pas ce point de vue, nous sommes de ceux qui pensons que la sobriété est un élément incontournable pour la décarbonation de nos sociétés.
Par ailleurs, les investissements qui iront au nucléaire manqueront cruellement au déploiement des énergies renouvelables.
Des investisseurs commencent à critiquer cette inclusion dans la taxonomie verte. Ainsi, la puissante coalition de fonds de pension et de gestionnaires d’actifs « Institutional Investors Group on Climate Change (IIGCC) » qui gère plus de 50 000 milliards d’euros exprime ouvertement sa déception.
La position de la Banque européenne d’investissement qui a endossée le rôle de Banque européenne du climat et de la biodiversité est fortement attendue. Certaines prises de paroles de responsables de la BEI laissent à penser que les critères d’attribution de prêts seront plus exigeants que la taxonomie européenne.