Tout le monde ne semble pas convaincu que le changement climatique soit une menace sérieuse. À l’université d’été 2023 du MEDEF, le climatologue de renom Jean Jouzel a reçu “un accueil glacial”. Il exprime son agacement dans une interview donnée aux Échos. Ce sentiment est partagé dans la communauté des climatologues.
Alors que juillet dernier a été le mois le plus chaud jamais enregistré, et que le gouvernement français a mis en place le secrétariat général à la planification écologique, on pourrait penser que la menace du changement climatique est aujourd’hui une préoccupation majeure pour l’ensemble de la société.
Pourtant, certains acteurs ne semblent toujours pas vouloir d’une réduction trop drastique de la consommation d’énergies fossiles, premières responsables du changement climatique. À l’université d’été du Medef, l’éminent climatologue Jean Jouzel a reçu un “accueil glacial”. En réponse à son explication sur la nécessité de réduire la consommation des énergies fossiles, Patrick Pouyanné, président de Total Énergies, a invoqué la “vie réelle” et le besoin en énergie de la société.
On aurait pu entendre de tels propos en 1970, lorsque Jean Jouzel a commencé ses travaux sur le climat et qu’on ne connaissait que peu de choses à la gravité du phénomène. Aujourd’hui, c’est déconcertant ! D’autant plus que les dégâts liés au réchauffement climatique commencent à se faire sentir partout dans le monde, et que tous les gouvernements se sont engagés à limiter son augmentation à 2°C d’ici la fin du siècle. Malgré sa patience, Jean Jouzel confie avoir été agacé et déçu.
Un agacement partagé par d’autres climatologues (Les Échos du 02 septembre 2023) :
“Selon les jours, je me sens en colère, découragée, impuissante…” réagit la climatologue Magali Reghezza-Zitt. “Les faits scientifiques sont démontrés, on sait comment cela va se terminer. Et au lieu de se battre pour mettre en place des solutions, c’est comme si on devait redémontrer que la Terre est ronde !”
Des sentiments exacerbés par un regain de climatoscepticisme, car d’après la dernière enquête Obs’COP (réalisée par Ipsos pour EDF) la proportion de Français niant l’existence du réchauffement climatique aurait augmenté de 8 points en 3 ans, pour monter à 37 %. Ce chiffre se divise en ceux niant totalement le réchauffement climatique (8 %) et ceux qui pensent qu’il n’est pas d’origine humaine (29 %). La nouvelle politique du réseau social Twitter a probablement une influence, en réouvrant des comptes auparavant bannis et en enlevant la possibilité aux utilisateurs de se bloquer entre eux. Les trolls climatosceptiques ont la voie libre.
Pour autant, la communauté des climatologues n’abandonne pas. Malgré son agacement, Jean Jouzel rassure : “Il ne faut pas baisser les bras. Je vais continuer”. Robert Vautard s’est inscrit sur LinkedIn, “pour transmettre des informations aux décideurs, tournés vers les solutions et l’action”. Il témoigne aussi : “Je garde espoir. La société évolue. Trop lentement, pas assez, mais on ne peut pas dire qu’il ne se passe rien !”. De son côté, François Gemenne veut convaincre les chefs d’entreprises. Enfin, Magali Reghezza-Zitt poursuit ses interventions sur les médias grand public, même si c’est parfois difficile.
Et, tous ensemble, ils continuent de pousser dans la bonne direction. Ce jeudi 14 septembre, plus de 300 scientifiques de renom, dont Jean Jouzel et Valérie Masson-Delmotte, ont publié une tribune dans Le Monde demandant au gouvernement de rejoindre le traité de non prolifération des énergies fossiles afin que nous puissions garder une planète vivable. Dans la lettre ouverte est notamment souligné le projet pétrolier phare de Total Énergies, l’East African Crude Oil Pipeline (EACOP).
Alors, les scientifiques devraient-ils sortir de leur réserve et devenir militants ? Selon Jean Jouzel, on peut être actif dans la lutte contre le changement climatique tout en conservant l’éthique scientifique. Après avoir quitté le GIEC vers 2015, il a participé au Grenelle de l’environnement et à la Convention citoyenne pour le climat, et s’est engagé en tant que citoyen. En particulier, en étant président d’honneur d’Agir pour le climat. Et, à Agir pour le climat, nous sommes déterminés à faire progresser la cause climatique !