La nécessité d’une transformation écologique de l’économie et de la société est une urgence absolue. Il n’est plus un jour sans un article dans nos journaux relatant des catastrophes liées à l’augmentation en nombre et en intensité des aléas climatiques extrêmes. Le Haut Conseil pour le Climat avertit que les politiques en cours ne permettront pas de tenir les objectifs climatiques. Jean Jouzel, Valérie Masson-Delmotte, Christophe Cassou et de nombreux scientifiques sortent de leur réserve pour dire leur agacement face à la faiblesse des actions, voire leur exaspération s’agissant de la mise en place de projets climaticides.
Le projet d’investissement de la collectivité territoriale Lorient Agglomération via sa Société d’Economie Mixte portuaire, la SEM de Keroman, pour un port d’Oman est de ceux-là. À l’origine, il était présenté comme un apport du savoir-faire lorientais en matière d’infrastructures portuaires pour la pêche au sultanat de la péninsule arabique. En réalité, l’opportunité de participer à la construction du port devrait permettre l’importation de l’abondante ressource halieutique de ce secteur de l’océan Indien par les entreprises spécialisées de l’agroalimentaire breton.
Les porteurs n’intègrent pas, malheureusement, comme cela devrait être, le bilan carbone de leur projet. En France, il est admis que pêcher une tonne de poissons génère environ 1,5 tCO2e. Ensuite, les émissions liées au conditionnement et à la chaîne du froid avoisinent 1 tCO2e. Le transport par avion-cargo réfrigéré d’Oman en France porterait le bilan carbone de cette tonne de poissons à 23 tCO2e. Et le calcul de ces émissions est incomplet. Comme l’indique un article du cabinet Carbone 4, l’aviation contribue aussi à un effet sur le climat par les traînées de condensation qui ont un effet radiatif. Des études récentes indiquent que prendre en compte ces effets hors CO2 amènerait à doubler a minima l’impact radiatif lié actuellement aux GES émis par les avions.
Ce projet d’importation de poissons est une aberration ! Une aberration climatique au regard des objectifs de la France en matière de réduction de gaz à effet de serre. Une aberration écologique pour la préservation des océans face au changement climatique. Et une aberration économique avec l’instauration de la taxe carbone aux frontières de l’Europe en 2026.
Les défenseurs de ce projet vendent l’idée d’un transport par un avion à hydrogène. Comme le mentionne le rapport de carbone 4, cela reste “très spéculatif car beaucoup de briques technologiques ne sont pas encore là, alors que l’aviation s’est fixée des objectifs pour 2050, dans moins de 30 ans”. Même The International Air Transport Association (IATA), organisme au service du transport aérien, imagine que ce vecteur énergétique ne représentera qu’un dixième du carburant utilisé à l’horizon 2050 et sur de courtes distances.