Les technologies propres comme les panneaux solaires, les éoliennes, les pompes à chaleur et les véhicules électriques aident à se passer des énergies fossiles et à réduire la pollution climatique.
À l’échelle mondiale, 2024 sera probablement l’année où nous aurons enfin réussi à freiner la croissance des émissions de gaz à effet de serre qui dérèglent le climat.
Selon le projet Carbon Monitor, les émissions mondiales de gaz à effet de serre entre février et mai 2024 ont légèrement diminué par rapport à celles émises au cours de la même période en 2023. De nombreux experts estiment que la transition énergétique a tellement progressé que nous avons atteint un point où les émissions vont se stabiliser puis commencer à diminuer. Le moment critique du pic de pollution climatique pourrait se produire à l’heure actuelle.
Le graphique montre que les émissions annuelles de gaz à effet de serre ont augmenté de façon exponentielle entre 1950 et 2010, mais ont ensuite commencé à se stabiliser.
Et cela n’arrive pas trop tôt. Le réseau européen de surveillance du climat Copernicus a indiqué que la journée la plus chaude jamais enregistrée dans le monde était le lundi 22 juillet dernier. Battant directement le précédent record, datant du… dimanche 21 juillet 2024. Vous avez bien lu, le record de la journée la plus chaude jamais enregistrée dans le monde a été franchi 2 jours consécutifs.
L’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NNOA) a rapporté début juin que “le carbone s’accumule dans l’atmosphère plus rapidement que jamais – s’accélérant et atteignant des niveaux bien supérieurs à tous ceux observés dans l’existence humaine”.
“En 2023, nous avons connu l’année la plus chaude jamais enregistrée, les températures océaniques les plus chaudes jamais enregistrées et une série apparemment sans fin de vagues de chaleur, de sécheresses, d’inondations, d’incendies de forêt et de tempêtes”, a déclaré Rick Spinrad, administrateur de la NOAA. “Nous constatons désormais que les niveaux de CO2 atmosphérique augmentent plus rapidement que jamais. Nous devons reconnaître qu’il s’agit de signaux clairs des dommages causés par les gaz à effet de serre sur le climat, et prendre des mesures rapides pour réduire l’utilisation des combustibles fossiles aussi vite que possible.”
En effet, si les émissions mondiales de gaz à effet de serre sont sur la pente descendante, c’est à la fois une mauvaise nouvelle et une bonne nouvelle. C’est une mauvaise nouvelle car cela signifie qu’elles ont atteint leur maximum jamais observé. Mais c’est surtout une bonne nouvelle, puisque ce maximum aurait pu être beaucoup plus haut, et qu’à partir de maintenant les émissions vont très probablement diminuer.
La grande question reste de savoir à quelle vitesse elles vont diminuer. Pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devront diminuer très rapidement.
La Chine et les États-Unis doivent montrer la voie
La Chine, en tant que l’un des plus grands pays du monde, dont l’économie est en croissance soutenue et dont la consommation de charbon augmente, va jouer un rôle clé dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’élection présidentielle américaine de novembre va également jouer un rôle important. Une analyse estime qu’une victoire de Donald Trump pourrait ajouter 4 milliards de tonnes de pollution climatique aux États-Unis, soit l’équivalent des émissions annuelles combinées de l’Europe et du Japon.
Selon l’Agence internationale de l’énergie, les émissions mondiales de gaz à effet de serre liées à l’énergie dans le reste du monde – en dehors de la Chine – ont légèrement diminué en 2023. Si le reste du monde continue sur la même trajectoire et si la Chine stabilise ses émissions, alors les émissions mondiales commenceront à diminuer.
Comme le dit un rapport de novembre 2023 de l’institut Climate Analytics : “il y a 70 % de chances que les émissions commencent à diminuer en 2024 si les tendances actuelles de croissance des technologies propres se poursuivent et si des progrès sont réalisés pour réduire les émissions autres que le CO2. Cela ferait de 2023 l’année du pic d’émissions.”
Progrès en matière de technologies propres
Pour continuer à réduire la pollution climatique, les pays devraient accélérer le déploiement de technologies propres telles que les panneaux solaires, les éoliennes et les véhicules électriques, et réduire considérablement les émissions de méthane et d’autres polluants climatiques.
Pour la première moitié de l’année 2024, les technologies propres ont prospéré. Selon une analyse de Lauri Myllyvirta, chercheur principal à l’Asia Society Policy Institute et analyste principal au Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA), 90 % de la croissance de la demande en électricité en Chine a été couverte par l’expansion du solaire et de l’éolien pour mars 2024. Les chiffres semblent encore meilleurs pour mai. Et les véhicules électriques représentent désormais environ un véhicule sur dix sur les routes chinoises.
“Le secteur de l’énergie propre en Chine a connu une croissance sans précédent”, a écrit Belinda Schäpe, analyste des politiques chinoises du CREA. “Pour la première fois, le taux de développement des sources d’énergie à faibles émissions de carbone est suffisant pour dépasser l’augmentation annuelle moyenne de la demande d’électricité de la Chine. Si cette croissance se poursuit et que la demande énergétique se stabilise, suite à une reprise économique sans précédent à forte intensité énergétique, la consommation de combustibles fossiles pourrait diminuer.”
Selon l’analyse de Myllyvirta, deux autres facteurs clés jouent un rôle dans la trajectoire de la pollution climatique chinoise. Le pays a levé ses sévères restrictions “zéro-Covid” en décembre 2022, et le rebond de la pollution qui s’est produit en 2023 semble désormais stabilisé. Et l’activité de construction immobilière en Chine s’est contractée en raison d’une surabondance de logements invendus et de projets inachevés.
Est-ce que la pollution climatique issue de Chine restera stable ou augmentera à nouveau ? Cela dépend de la poursuite de la croissance rapide des énergies propres dans le pays. Selon Myllyvirta, le gouvernement central a fixé des objectifs relativement peu ambitieux en matière d’énergie solaire et éolienne par rapport à ce que les industries chinoises des énergies propres prévoient de déployer dans les années à venir. Mais pour respecter ses engagements climatiques de Paris, la Chine doit poursuivre le déploiement rapide d’énergies propres. Une analyse de Bloomberg New Energy Finance a conclu que la Chine “pourrait immédiatement plafonner ses émissions dans le cadre d’une transition menée par l’économie” dans laquelle les technologies les plus rentables seraient déployées parce que les sources d’énergie propres sont très bon marché.
Le reste du monde
D’autres pays devront également jouer leur rôle. En Europe, comme aux États-Unis, les émissions ont diminué en grande partie grâce au déploiement rapide d’électricité propre comme l’énergie solaire et éolienne, et les installations de pompes à chaleur ont également commencé à réduire les émissions du secteur des bâtiments résidentiels. L’Europe s’efforce également d’éliminer sa dépendance à l’égard des approvisionnements russes en gaz fossile, depuis le début de la guerre en Ukraine.
Les récentes élections au Parlement européen n’ont pas envoyé de signal encourageant pour le climat. Le Parti Vert européen a perdu des sièges, tandis que les partis d’extrême droite en ont gagné. Néanmoins, les partis centristes conserveront le contrôle majoritaire, de sorte que le programme climatique relativement ambitieux de l’Europe devrait largement rester en place.
Le déploiement d’énergies propres dans le monde fait déjà une grande différence dans la réduction de la pollution climatique. L’Agence internationale de l’énergie a estimé que sans le déploiement accéléré de cinq technologies clés d’énergie propre depuis 2019 – solaire, éolien, nucléaire, pompes à chaleur et véhicules électriques – les émissions mondiales auraient augmenté de 7,5 % au lieu de l’augmentation réelle de 2,5 % au cours des quatre dernières années.
Pour conclure, si les énergies propres continuent de se développer aussi rapidement, il est très probable que 2023 aura été l’année où les émissions de gaz à effet de serre auront atteint leur pic, et que les émissions diminueront dans les années suivantes. Il s’agit d’un résultat encourageant, puisque le pic des émissions aurait pu être atteint beaucoup plus tard. Ceci est possible grâce à l’engagement de la société civile, des entreprises et des gouvernements pour la transition énergétique. Mais, même si nous avons atteint le pic, il faut encore réduire les émissions pour atteindre la neutralité carbone, et ce le plus vite possible.
Cet article se base sur celui de Dana Nuticelli, publié dans Yale Climate Communications.