Jean-François Soussana vient d’être nommé à la Présidence du Haut conseil pour le climat (HCC). Cette institution encore méconnue mérite une plus grande attention du gouvernement et des élus nationaux ou locaux. Ses rapports sur l’action climatique française seraient en effet du plus grand intérêt dans le débat public actuel. Le HCC est certes auditionné par les commissions des Affaires économiques du Sénat et de l’Assemblée nationale ainsi que par le Conseil Économique, Social et Environnemental, mais aucun débat n’est organisé en session plénière du Parlement et, encore moins, au niveau du grand public. Ce sujet transcende pourtant tous les autres sujets politiques.

Quelle est la fonction du Haut conseil pour le climat ? 

Inscrit dans la loi relative à l’énergie et au climat de 2019, le Haut conseil pour le climat est un organisme neutre et indépendant qui a pour mission d’évaluer :
  • le respect de la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre de la France,
  • la cohérence de la stratégie bas carbone vis-à-vis des engagements européens et internationaux (accord de Paris, atteinte de la neutralité carbone en 2050),
  • les politiques d’adaptation au changement climatique.

Les rapports du Haut conseil formulent des recommandations pour aider la France à atteindre ses objectifs et le gouvernement doit répondre dans un délai de 6 mois à ces recommandations. Dans son dernier rapport annuel, le Haut conseil souligne que le cadre d’action publique évolue positivement et que les politiques publiques connaissent des avancées significatives qui produisent des effets. Néanmoins, il rappelle la nécessité d’une direction claire et stable pour atteindre la neutralité carbone de la France en 2050, afin de donner la visibilité nécessaire aux acteurs, et de protéger les ménages et les entreprises des impacts du changement climatique.

Le HCC indique que les principales fragilités de la trajectoire de la France relèvent :
  • de la visibilité insuffisante du déploiement à long terme des énergies renouvelables et des nouveaux programmes nucléaires,
  • de l’insuffisance des plans visant la reconstitution du puits de carbone forestier,
  • du manque de maîtrise de la demande en mobilité des personnes et des biens,
  • des retards dans le verdissement des flottes d’entreprise,
  • du faible taux de rénovations performantes des bâtiments,
  • et de politiques sectorielles ne permettant pas encore d’assurer la transition vers un système alimentaire bas carbone, résilient et juste.

De manière transversale, la transition juste et l’adaptation ne sont pas assez intégrées à l’action climatique, ce qui entraîne des risques de blocages socio-économiques de la transition climatique.

Le rôle de la biomasse, forestière ou agricole, est critique dans le bouclage des scénarios Neutralité Carbone en 2050. Quelles sont les priorités recommandées par le HCC ?

Les ressources en biomasse forestière et en biomasse agricole sont affectées par le changement climatique. Les forêts sont particulièrement vulnérables et l’on peut observer de nombreux dépérissements causés par des sécheresses. La baisse du puits de carbone forestier s’explique surtout par une forte augmentation de la mortalité des arbres, par la diminution de leur croissance et, dans une moindre mesure, par l’augmentation des prélèvements et par les incendies. La biomasse agricole constitue une ressource fortement mobilisée pour la production alimentaire, bien sûr, mais aussi pour des bioénergies qu’il s’agisse de biogaz utilisant des résidus de culture et des effluents d’élevage, ou de biocarburants mobilisant des co-produits des chaînes de transformation alimentaire. D’autres usages, biomatériaux (comme les constructions en bois), chimie verte devraient aussi se développer. Les scénarios développés pour la stratégie nationale bas carbone (SNBC) indiquent un déficit de biomasse à l’horizon 2030 du fait de la croissance des bioénergies et des produits biosourcés. Cet essor de la bioéconomie, qui doit s’accompagner d’une meilleure circularité avec des recyclages, par exemple des digestats issus du biogaz, se heurte à un déficit de biomasse. D’un autre côté, une baisse importante des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture est nécessaire pour atteindre la neutralité carbone, ce qui suppose de consommer moins de produits animaux, ces derniers étant très émetteurs. Plus de surfaces consacrées à l’alimentation animale (prairies, cultures) pourraient être mobilisées pour d’autres usages, par exemple via l’agroforesterie, ou en utilisant plus de biomasse agricole pour des bioénergies.