Fanny Lacroix est maire de Châtel-en-Trièves, une commune de 500 habitants, située dans le département de l’Isère. Vice-présidente de l’Association des maires ruraux de France  (AMRF), elle est en charge de la transition écologique et mène avec près de cent communes une réflexion sur le rôle des maires sur ces questions.

Fanny Lacroix, vous êtes vice-présidente de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) en charge de la transition écologique. Pouvez-vous nous décrire votre association et son mode de fonctionnement ? Notamment, quel est son rôle dans la transition écologique ?

L’Association des maires ruraux de France (AMRF) représente environ 12 000 maires de communes rurales (moins de 3 500 habitants) en France. Créée en 1971, elle vise à défendre les intérêts spécifiques des territoires ruraux. Indépendante de tout pouvoir politique, l’AMRF s’engage pour une ruralité dynamique, équitable et innovante. Elle intervient dans le débat public, soutient les élus locaux, et propose des solutions pour un développement équilibré des zones rurales, assurant une cohésion sociale et une représentation équitable au sein des instances intercommunales.

Pour ma part, je suis maire de Châtel-en-Triève depuis 2020, petit village de 500 habitants, situé dans l’Isère. Je suis également vice-présidente de l’intercommunalité, chargée du tourisme. Je suis vice-présidente de l’AMRF, au sein de laquelle je préside le groupe “Transition écologique” depuis 2021.

L’AMRF joue un rôle clef dans la transition écologique de la France. Quand on parle de la transition écologique, on parle des biens communs naturels (comme la forêt, la montagne, l’eau, etc.) qui se trouvent sur le territoire rural. 88 % du territoire national est rural ! C’est essentiellement dans ces espaces que les énergies renouvelables devront être développées. Les petites communes offrent une proximité avec les citoyens, ce qui facilite le dialogue et les changements culturels.

Lorsque nous avons créé la commission chargée de la transition au sein de l’AMRF, nous avons rapidement acté le fait qu’il y avait déjà un écosystème très dense autour de la transition écologique, et qu’on pouvait s’appuyer sur ce travail. Que pourrait-on apporter de nouveau ?

Ce qui manquait dans le discours national, c’était une vision politique de la transition écologique du milieu rural. Alors que les maires ruraux sont d’habitude très occupés avec les obligations du quotidien, l’idée était de sortir de cette posture de gestionnaire et de prendre de la hauteur sur cet enjeu. De construire une vision commune, force de proposition, où le milieu rural est acteur.

Vous avez lancé une grande concertation auprès de vos adhérents, le Grand Atelier des maires ruraux pour la transition écologique. Pouvez-vous décrire cette dynamique ? Comment va-t-elle se poursuivre ?

Le Grand Atelier était justement le projet pour aboutir à cette vision commune sur le sujet de la transition écologique. L’objectif était de se réunir, de s’accorder malgré les différences territoriales et de pouvoir porter la voix de l’AMRF sur le plan politique. Discuter, se mettre d’accord, et produire une position commune.

Ce Grand Atelier s’inspire de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). En partant de toute la diversité territoriale, pour que toutes les régions soient représentées, nous avons réuni 100 maires pour construire la position de l’AMRF. L’Atelier a consisté en 4 week-ends de 2 jours, ce qui est un investissement conséquent pour nos membres. L’Atelier servait de lieu pour la formation sur cet enjeu, avec l’intervention de nombreux experts et notamment des experts du GIEC. C’était aussi l’occasion de confronter ces idées avec les expériences de terrain, déjà mises en œuvre par des maires visionnaires. 

Le rapport du Grand Atelier fait une centaine de pages, et est disponible sur le site internet. Il s’articule autour de 3 axes : la transition écologique et la sobriété, les biens communs naturels, et les leviers d’action des communes rurales. Pour ceux qui ne pourraient pas lire le rapport, nous avons aussi produit un document plus synthétique, appelé “La commune, espace politique de la transition écologique”, qui reflète notre vision politique. Ce document a été mis en débat en 2023 et validé par les instances nationales de l’AMRF.

Ce qu’il faut retenir de notre vision politique, c’est que les territoires ruraux sont les premiers concernés par la transition écologique, et sont prêts à s’emparer du sujet. Que nous sommes prêts à être acteurs de notre destinée, et à être dans le tour de table des décisions. Enfin, nous demandons plus de cohésion nationale et d’aménagement du territoire. Nous sommes d’accord pour avoir plus d’éoliennes, mais nous voulons aussi des médecins, des boulangeries, des écoles, etc.

Le Grand Atelier a été une belle expérience, qui a créé une cohésion très forte entre les participants. La dynamique continue, et ils ont envie de poursuivre sur cette lancée. Les participants ont été formés à la transition écologique, mais aussi au dialogue collaboratif, ce qui est une ressource très importante à mobiliser par la suite. Nous avons par exemple créé la commission des partenaires de l’AMRF, qui inclut des organismes externes (institutionnels, associatifs, partenaires privés).