Eviter la double peine d’une nouvelle crise financière et du chaos climatique. Telle est l’ambition du projet de Pacte finance climat, dont plusieurs personnalités débattent ce mardi 19 février.
« Sommes-nous des homo sapiens sapiens ou des homo debilus debilus ? Voilà trente ans que le Giec nous alerte, l’Ademe souligne le potentiel de création d’emplois dans les territoires, nous savons en lisant les journaux que les liquidités n’ont jamais été aussi abondantes, mais nous restons comme des lapins pris dans les phares d’une nouvelle crise mondiale, doublée par le chaos climatique !« , s’indignait Pierre Larrouturou devant les sénateurs le 23 janvier dernier.
L’économiste propose, avec le climatologue Jean Jouzel, l’adoption d’un Pacte finance climat européendestiné à mettre la finance au service du climat et de la justice sociale. Une initiative lancée en décembre 2017 et qui commence à recueillir un certain écho face à l’urgence climatique. « Si nous dépassons les 2 degrés, compte tenu des cercles vicieux qui se mettent en place – fonte des glaces, donc diminution de la surface blanche renvoyant la chaleur, donc décongélation du pergélisol dégageant du méthane, etc. -, il sera très compliqué d’arrêter le processus, nous disent les scientifiques : nous serons déjà au milieu du toboggan !« , rappelle Pierre Larrouturou.
Les promoteurs du pacte se targuent du soutien de plus de 500 personnalités venues de douze pays, allant du Grand Orient de France au pape François, de plus de 200 députés, ainsi que de nombreuses ONG, collectivités, scientifiques et économistes. Ce mercredi 19 février, l’association Agir pour le climat, qui porte ce projet, organise un colloque auquel devaient participer les anciens Premiers ministres Laurent Fabius et Alain Juppé, les anciens ministres de l’Environnement Jean-Louis Borloo et Delphine Batho, ou encore les écologistes Claire Nouvian et Yannick Jadot.
Mettre la création monétaire au service du climat
En quoi consiste le projet ? Diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne d’ici 2050 tout en créant massivement des emplois. Pour parvenir à ce résultat, le projet de traité prévoit deux outils : la création d’une Banque européenne du climat (et de la biodiversité), d’une part, l’élaboration d’un budget dédié à ce combat, d’autre part. Le projet de texte, expliquent ses promoteurs, a vocation à servir de support de négociations entre les Etats membres de l’UE, à l’image, au plan international, du Pacte mondial pour l’environnement proposé en 2017 par le Club des juristes et actuellement en négociation aux Nations unies.
La Banque européenne du climat, qui serait créée en tant que filiale de la Banque européenne d’investissement (BEI), serait chargée de financer les territoires de l’UE par des prêts à taux zéro à hauteur de 2 % du PIB des Etats membres. « Pour la France, cela équivaut à 45 milliards d’euros. L’important est d’en garantir la pérennité, car ce qui tue toute action, dans le bâtiment par exemple, c’est l’instabilité : les aides publiques à la rénovation, modifiées tous les ans, concernent une année les portes, l’année suivante les fenêtres, etc.« , explique Pierre Larrouturou.
L’idée est de mettre la création monétaire au service de la lutte contre le dérèglement climatique en finançant les économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables (EnR). Pour l’instant, « l’essentiel des liquidités alimente la spéculation : tous les mois, (…) le FMI ne cesse de nous mettre en garde contre le risque d’une nouvelle crise financière« , alertent les promoteurs du Pacte.
Cent milliards d’euros par an
Quant au budget dédié au climat, il sera doté de 100 milliards d’euros (Md€) par an et financé par une taxe sur les bénéfices de 5 % par an en moyenne. « En quarante ans, le taux moyen d’impôt sur les bénéfices a été divisé par deux en Europe« , justifient les porteurs du Pacte. Les ressources seraient fléchées dans trois directions : 40 Md€ dédiés à un plan Marshall pour l’Afrique, 10 Md€ à la recherche et 50 Md€ aux travaux d’isolation. Cette construction serait « une bonne chose sur le plan macroéconomique et permettrait de diviser par deux les factures des travaux d’isolation. Les gens feraient ainsi des économies, rembourseraient leur prêt à taux zéro sur dix ou quinze ans, et nous créerions entre 700.000 et 900.000 emplois sur les territoires !« , projette Pierre Larrouturou.
Et à ceux qui jugeraient ce projet utopique, l’économiste rétorque : « Lorsque les parlementaires ont voté l’école pour tous, d’aucuns y ont vu une folie ou estimé que nous n’en avions pas les moyens. En vingt ans pourtant, dans un pays beaucoup moins riche qu’aujourd’hui, tous les villages de France ont été dotés d’une école de filles, d’une école de garçons et d’une maison des maîtres. Quand Kennedy annonce un voyage sur la Lune, certains le croient dingue ; le projet est pourtant concrétisé sept ans plus tard, créant 400.000 emplois et des retombées technologiques bénéfiques au pays tout entier !« .