Les derniers chiffres publiés par l’ONU sont sans équivoque : la planète est partie vers un réchauffement de 3,1 °C à l’horizon 2100 si les politiques nationales affichées sont mises en œuvre, ce qui est loin d’être assuré. La réalité pourrait être pire. Les derniers évènements climatiques, Valence, typhon aux Philippines, sécheresses et inondations dans de nombreuses régions du monde, sont là pour nous rappeler que le dérèglement climatique n’est pas seulement une projection sur la fin du siècle mais déjà une réalité souvent dramatique que vivent de plus en plus de nos contemporains dans toutes les régions du monde, particulièrement dans les pays dits en développement. Face à ce constat, quelles sont les réponses du monde politique français ?

Au niveau national, l’État vient de lancer une concertation sur deux documents programmatiques fondamentaux : la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), 3e édition, et la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie, 3e édition. En première analyse, le projet de PPE 3 est un catalogue de bonnes intentions, globalement cohérent avec l’objectif de neutralité carbone en 2050, même si l’objectif 2030 en pourcentage d’énergies renouvelables dans la consommation finale n’est pas affiché et semble inférieur aux 42,5 % imposés par la Directive Européenne RED 3, pourtant approuvé par la France.

Les grands axes de la PPE 3 sont les suivants :
  • Une drastique réduction de la consommation d’énergie finale : 1 410 TWh/an en 2030, 1 302 TWh/an en 2035 contre 1 545 TWh en 2022. Cette réduction s’accompagne d’une augmentation de la part de l’électricité dans cette consommation finale, au motif que la production d’électricité est décarbonnée et devra le rester. Cette diminution de consommation et le transfert vers l’électricité se feront via la rénovation énergétique des bâtiments, l’électrification des transports et la décarbonation de l’industrie.
  • Accroître la production énergétique décarbonnée, nucléaire et énergies renouvelables, électriques, thermiques, gazières ou biocarburants. Pour les renouvelables électriques, il conviendrait de passer de 101 TWh/an en 2022 à 197 TWh/an en 2030 et 298 TWh/an en 2035 en se basant principalement sur les filières solaire photovoltaïque, éolien terrestre et éolien en mer. Le nucléaire aurait uniquement à conforter l’existant, le nouveau nucléaire ne pouvant être mis en service à cette échéance. Les besoins en énergie ne pourront être totalement couverts par l’électricité et il faudra augmenter la production de chaleur et de froid renouvelable, biomasse, énergie de récupération, géothermie ou solaire thermique et gaz renouvelables. Elle passerait de 173 TWh/an en 2022 pour atteindre 278 à 326 TWh/an en 2030, et 333 à 422 TWh/an en 2035. La production de gaz renouvelable, actuellement le biométhane, passerait de 17,7 TWh/an à 50 TWh en 2030 et 50 à 85 TWh/an en 2035. La production de biocarburants serait stable à 50 TWh/an entre 2030 et 2035, l’augmentation du taux d’incorporation compensant la diminution de la consommation de carburants routiers due notamment à l’électrification.
  • Le parc nucléaire français est constitué de 57 réacteurs de production d’électricité répartis sur 18 sites différents, pour une puissance installée de 62,9 GWe, assurant une production de 320 TWh en 2023. Le fonctionnement du parc nucléaire devrait être prolongé, sous réserve des exigences de sûreté, au-delà de 50 ans, voire de 60 ans, et atteindre une production annuelle de 400 TWh. Aucune centrale de nouveau nucléaire ne devrait être en production aux horizons du projet de PPE 3, à savoir 2035.

Ce qui apparaît malheureusement, c’est que la politique de l’actuel gouvernement s’inscrit complètement à rebours des orientations du projet de PPE 3, si l’on en croit le projet de loi de finances 2025 (PLF) encore en discussion au Sénat et à l’Assemblée nationale. Il faudra attendre le vote final de la loi de finances pour en tirer toutes les conclusions. Toutefois, les signaux envoyés par le gouvernement Barnier sont très négatifs à l’égard de la politique climatique : baisse brutale de la dotation du Fonds Chaleur de l’ADEME, pourtant reconnu par la Cour des comptes comme l’outil public le plus performant (36 €/tCO2 évitée), baisse tout aussi brutale du Fonds Vert destiné aux collectivités territoriales ou baisse de la dotation à Ma Prime Rénov et aux subventions aux véhicules électriques. Cerise sur le gâteau, un article du PLF prévoit d’augmenter les accises sur l’électricité pourtant quasi totalement décarbonnées. La stratégie climatique française repose en grande partie sur l’électrification des usages et les dispositions du PLF auront pour conséquence de dissuader les consommateurs, particuliers, collectivités et entreprises de convertir leur consommation d’énergies fossiles en consommation électrique. L’autre grand axe de la stratégie est le développement de la chaleur renouvelable mais le gouvernement sabre le Fonds Chaleur. La ministre de l’écologie vient d’annoncer après les nombreuses protestations le maintien de ce Fonds. Attendons toutefois que cette annonce soit confirmée par la version finale de la loi de finances. Le projet de PPE 3 propose de s’appuyer sur les collectivités locales pour atteindre les objectifs mais le PLF réduit le budget du Fonds vert. Comprenne qui pourra !  Le débat parlementaire apportera-t-il un soutien à la stratégie française de lutte contre le dérèglement climatique ? Réponse dans quelques semaines. Le monde politique devrait d’urgence se reconnecter à la volonté populaire : les projets d’énergies renouvelables citoyens se multiplient, les rénovations d’ampleur des logements décollent réellement depuis la stabilisation des barèmes d’aide de l’ANAH, l’autoconsommation photovoltaïque se développe par centaines de milliers de réalisations annuelles tant chez les particuliers que dans les entreprises ou collectivités.

Dans notre prochaine e-letter de décembre, j’aurai l’occasion de commenter le contexte international : consolidation ou détricotage du Pacte vert européen, élection présidentielle américaine et la tristement médiocre COP 29 qui s’est tenue dans un pays pétrolier aux pratiques démocratiques peu recommandables.