La forêt joue un rôle clef dans la lutte contre le changement climatique. Elle agit comme un puits de gaz à effet de serre, elle produit du bois dans lequel le carbone est stocké pour le long terme (quand on en fait du bois de construction ou des meubles), elle crée aussi un microclimat local qui diminue la température de quelques degrés et favorise les précipitations.
En septembre dernier, nous posions 3 questions à M. Julien Bouillie, directeur adjoint des forêts et des risques naturels à l’Office national des forêts (ONF), qui nous apportait des éclairages sur le rôle de l’ONF, l’évolution du puits de carbone forestier et l’avenir des forêts françaises.
Le 16 février 2024, l’ONF organisait une matinée de partage des constats et des perspectives, dédiée aux parties prenantes qui se penchent sur les thèmes de la forêt et du climat.
Étaient présentes de nombreuses associations comme le WWF France, Greenpeace France, France Nature Environnement, les Amis de la Terre, Réseau Action Climat France, Canopée… et Agir pour le climat. En plus des associations, étaient également présents des représentants ministériels, des fédérations et des institutions clés comme la Fédération des Parcs Naturels Régionaux, le Réseau des Grands sites de France, Réserves naturelles de France, UICN France, etc.
Tous les participants ont remercié l’ONF de se prêter à cet exercice d’ouverture et d’échanges.
L’ONF souligne tout d’abord que l’état de santé des forêts publiques est assez préoccupant. Les produits accidentels (c’est-à-dire des arbres en mauvais état qui ont dû être récoltés avant que leur condition ne se détériore davantage et les rendent inutilisables) représentent 26 % des prélèvements en 2023. Avant 2017, ce taux était de l’ordre de 5 à 10 %. Ce dépérissement accéléré est dû au changement climatique (le manque d’eau et la sécheresse affaiblissent les arbres) et aux bioagresseurs (insectes, champignons, virus) qui profitent de l’état de santé détérioré des arbres.
Une autre cause de la dégradation des forêts françaises est le déséquilibre forêt/ongulés. En l’absence de prédateurs naturels en quantité suffisante, les populations d’ongulés (chevreuils, cerfs, sangliers, chamois, mouflons…) croissent trop rapidement. Ces derniers endommagent les jeunes arbres et ralentissent la croissance de la forêt. D’après l’ONF, l’équilibre forêt/ongulés n’est jugé satisfaisant que dans 50 % des surfaces des forêts domaniales, en nette baisse depuis le niveau de 65 % en 2015.
En conséquence de ces dégradations, les forêts françaises absorbent de moins en moins de carbone. Plusieurs rapports ont signalé une diminution de ce puits d’environ 50 % en 10 ans. À l’échelle nationale, les forêts continuent d’absorber du carbone, mais au niveau local certaines d’entre elles sont maintenant des sources de carbone, comme en région Grand Est.
Les forêts ont une grande faculté d’adaptation naturelle. Cependant, le changement climatique actuel est très rapide : en cent ans, les peuplements forestiers subiront un choc thermique équivalent à celui des 13 000 dernières années. Dans ces conditions exceptionnelles, des interventions sont nécessaires pour accompagner leur adaptation. L’ONF met donc en place différentes stratégies d’adaptation et de prévention en fonction des caractéristiques des forêts concernées :
- La forêt peut naturellement résister au changement climatique (50 % des cas). Aucune intervention spéciale n’est requise.
- Le mix d’espèces n’est pas le plus optimal. Il sera alors modifié progressivement, sans aucune migration. On favorisera simplement une espèce plutôt qu’une autre au sein d’une même forêt.
- La forêt est jugée vulnérable pour l’ensemble des essences qui la composent. Un enrichissement est alors nécessaire, à partir d’essences françaises situées plus au Sud (donc plus résistantes à la chaleur).
- Cas le plus extrême : le changement climatique fera basculer le climat local dans une situation inconnue en France jusqu’alors. L’enrichissement se fera donc avec des essences sélectionnées à l’étranger. Ce cas est minoritaire et l’introduction d’essences étrangères sera encadrée et surveillée de façon stricte.
Afin de mener à bien sa stratégie, l’ONF dispose de nombreux outils : des réseaux d’observation nationale (FORDEAD, RENECOFOR), des données satellites (LIDAR), des modèles d’évaluation de l’état de santé de la forêt (CLIMESSENCES, ZOOM 50), des pépinières et vergers à graines, etc. En plus de ces outils, l’ONF anticipe d’assouplir ses stratégies pour faire face aux imprévus.
Une réunion très enrichissante, à laquelle nous avons eu le plaisir de participer.
Dans la continuité de cette matinée d’échange, nous allons réaliser une série d’articles sur le thème de la forêt, en partenariat avec l’ONF. Ces articles permettront de mieux comprendre le rôle de la forêt avec le climat et d’aborder certaines idées reçues qui ne seraient pas nécessairement réalistes.
À très vite pour le premier article !