En cette fin d’année 2024, le bilan que je peux tirer de cette année écoulée est malheureusement très négatif. Dans son évaluation de l’action climatique mondiale, Laurence Tubiana, que nous interviewons ce mois-ci, fait le constat que, depuis la COP 21 à Paris en 2015 dont elle a été la cheville ouvrière, les progrès pour sortir des énergies fossiles ont été réels mais insuffisants. Le plafond des émissions de C02 que nous espérions pour cette année est, au mieux, reporté à 2025 même si la croissance de ces émissions, 0,8 % attendue en 2024, est largement inférieure à la croissance du PIB mondial. Les signaux politiques sont, quant à eux, très négatifs avec l’élection d’un climato-sceptique à la Maison Blanche américaine, la remise en cause, par une frange importante de la classe politique européenne, du Green Deal  (Pacte vert) ou l’absence de la thématique Climat Énergie dans l’actuel débat politique français, voire la régression de cette thématique dans le projet de loi de finances 2025 du gouvernement Barnier. La désastreuse COP 29 est venue compléter ce bilan 2024 : pas de progrès sur la sortie des énergies fossiles et une “promesse” de financer la transition énergétique dans les pays en développement à hauteur de 300 milliards de dollars par an soit trois à quatre fois moins que les besoins identifiés par les organisations internationales. Ces 300 milliards de dollars verront-ils le jour ? À quelle date ? En dons ou en prêts ? Rappelons qu’en prêts, ils ne feront qu’accroître la charge de la dette de ces pays qui ne sont en rien responsables du dérèglement climatique.

L’année 2024 a malheureusement été très fertile en événements climatiques majeurs. Vous avez certainement en mémoire les inondations dramatiques de Valence en Espagne ou dans les Hauts-de-France ou les sécheresses dans plusieurs régions du monde. Je voudrais insister sur le dernier évènement dramatique qui a frappé l’île de Mayotte à l’heure où personne ne peut dire si le bilan humain se chiffre en dizaines, centaines, ou milliers de morts. Actuellement, notre gouvernement a mis en concertation un Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC). Son application aux territoires d’Outre-Mer est confidentielle (1 page en annexe) et ne tire aucune leçon du cyclone qui a dévasté Saint-Barthélémy et Saint-Martin en 2017. Il était pourtant évident qu’un tel phénomène se produisant dans un département aussi pauvre que Mayotte ne pourrait qu’engendrer un désastre humain. Plus que jamais, la justice climatique doit se conjuguer avec la justice sociale.

L’année 2024 est aussi celle de la montée de diverses formes de climato-scepticisme en France ou en Europe. “Le dérèglement climatique est exagéré ou l’homme n’en est pas responsable” sont deux des sentences régulièrement entendues, diffusées par certains médias et reprises par les partis politiques de droite et d’extrême droite. Le thème du changement climatique est devenu politiquement clivant malgré les avertissements de plus en plus pressants du monde scientifique. En quoi la lutte contre le changement climatique est-elle de droite ou de gauche ? Que les réponses à apporter diffèrent suivant les partis politiques est concevable, mais minimiser ou nier le problème est inacceptable.

Cette année est aussi, heureusement, celle qui voit les émissions de CO2 nationales continuer à diminuer même si certains facteurs conjoncturels y ont contribué et si cette tendance doit être accentuée dans les années à venir. Au niveau européen, 44 % de la production d’électricité était de source renouvelable en 2023 et 22 % d’origine nucléaire, soit 66 % d’électricité décarbonée. Ces progrès sont indéniables. En France, les progrès de l’électricité renouvelable atteindront des niveaux inégalés en 2024 avec plus de 5 000 MW de solaire ou d’éolien terrestre raccordés auxquels il faut ajouter deux parcs éoliens en mer (Saint-Brieuc et Fécamp) pour un total de 1 000 MW. Dès le 1er trimestre de cette année, les énergies renouvelables couvraient plus de 30 % de la consommation nationale d’électricité. Plus de 300 000 foyers se sont convertis cette année à l’autoconsommation photovoltaïque amenant à un total de 600 000 foyers auto-consommateurs. Il faut considérer également le développement spectaculaire du Fonds Chaleur de l’ADEME, notamment en faveur des réseaux de chaleur qui sont au service des collectivités locales et des populations à revenus modestes. Enfin, soulignons le décollage tardif mais réel de la rénovation des logements avec la stabilisation des aides de Ma Prime Rénov et l’engagement des institutions bancaires en complément de ces aides.

Conjugués à des mouvements citoyens comme celui d’Énergie Partagée, ces résultats montrent un engouement populaire qui semble échapper au monde politique national. L’échelon politique local, lui, semble bien avoir perçu cette volonté des citoyens de s’engager dans la transition énergétique et écologique. Je vous renvoie à l’interview que nous a accordée en novembre Fanny Lacroix, vice-présidente de l’Association des maires ruraux de France (AMRF). Au moment où se profilent les élections municipales (printemps 2026), il est clair que l’impulsion énergétique et écologique viendra de la base et non du national. C’est ce que suggère le projet de Programmation Pluriannuelle de l’Énergie actuellement en consultation en espérant que le Fonds Vert destiné aux collectivités ne soit pas amputé comme l’avaient proposé les premiers ministres Attal et, ensuite, Barnier. Monsieur Bayrou sera-t-il plus attentif aux messages venant des citoyens et des collectivités ?