Les citoyens européens vont bientôt renouveler le Parlement européen et le moins que l’on puisse dire est que les Français ne se passionnent pas pour cette élection. Le Parlement est pourtant, avec la Commission et le Conseil, un acteur central de la politique européenne, qui trace notre cadre de vie au plan national, en particulier la politique environnementale. Celle-ci est très peu évoquée lors des différents débats entre les principales têtes de liste des partis candidats. Il faut donc saluer l’initiative du Shift Project et du journal Les Echos d’avoir organisé un débat spécifique à ce sujet si important : plus de 80 % de nos réglementations et législations environnementales sont issues de réglementations ou directives européennes.
Le thème du débat : “Quel avenir pour le Pacte vert européen ?” Les 6 principaux Partis, selon les sondages, avaient été conviés au débat du Shift Project et y ont participé en envoyant leur tête de liste, à l’exception de M. Bardella, qui a été représenté par M. Tanguy. Participaient donc le RN, Les Républicains, le Parti Socialiste, Les Écologistes, LFI et Renaissance. Le débat était découpé en 4 séquences :
- Faut-il arrêter la vente des véhicules thermiques en 2035 ?
- Souveraineté énergétique et réindustrialisation.
- Le transport aérien.
- Le financement de la rénovation énergétique des bâtiments.
Sans entrer dans une analyse détaillée des 4 séquences, je retiens quelques grandes tendances :
- Plus aucun parti ne s’affiche climato-sceptique.
- Le RN et Les Républicains ont l’intention de remettre en cause des parties essentielles du Pacte vert, comme l’interdiction de la vente de véhicules thermiques en 2035 ou les obligations de rénovation des bâtiments. Pour Les Républicains, il faut mettre un terme au “tout isolation”, électrifier le chauffage des bâtiments, et laisser les industriels de l’automobile déterminer les meilleures options pour créer des moteurs propres. Pour le RN, développer le véhicule électrique est irréalisable selon les industriels. Ce Parti est plus positif sur la rénovation des bâtiments, mais estime que les professionnels du secteur sont loin d’avoir les compétences nécessaires.
- Les 4 autres participants au débat refusent de remettre en cause le Pacte vert même si les Écologistes le trouvent insuffisamment ambitieux. Pour ces 4 partis, la nouvelle législature doit être celle de la mise en œuvre en veillant à la justice sociale et au développement des industries vertes sur le territoire européen.
- Le nucléaire reste un facteur de division politique. Pour le RN et Les Républicains, seuls le nucléaire et l’hydroélectricité sont à considérer pour décarboner l’économie. Pour M. Tanguy, les renouvelables ne sont pas renouvelables car intermittents. Les 4 autres partis conviennent qu’un mixte nucléaire-renouvelables est la voie à suivre même si les Écologistes soulignent qu’aucune nouvelle centrale nucléaire ne verra le jour à court terme et qu’il faut donc prioriser les renouvelables. Renaissance ne s’est pas exprimé sur l’actuel refus de la France d’approuver l’objectif européen de 42,5 % d’EnR en 2030. Ces 4 partis mentionnent avec plus ou moins de force la part plus importante à accorder à l’efficacité énergétique et à la sobriété.
- Le transport aérien est également un thème qui divise. Les Républicains sont les seuls à penser que l’on pourra, grâce à la R&D et l’innovation, disposer d’avions propres avec des carburants à base d’hydrogène. Le RN s’est peu exprimé sur le sujet et tous les autres participants pensent que l’aviation n’est pas fiscalisée à la hauteur de ses émissions et qu’il faut interdire les vols lorsqu’il y a une alternative train. La durée de l’alternative va de 2h30 pour Renaissance à 4h30 pour les Écologistes. Mais, il faut surtout investir massivement dans les transports en commun.
- Le financement de la transition énergétique a donné lieu à un concours d’idées. Hormis Les Républicains, tous conviennent qu’il faudra mobiliser beaucoup plus d’investissements publics et privés par rapport à la situation actuelle, mais les chiffres proclamés par les candidats étaient très variables. Seul Renaissance a fait référence au montant de 60 milliards d’euros par an, évalué pour la France par Jean Pisani-Ferry, ce qui semble le plus vraisemblable. Pour la source des investissements supplémentaires, tout a été évoqué : création de monnaie par la BCE, endettement de la Commission européenne, produits du système ETS d’échanges carbone ou de la taxe carbone aux frontières, taxe sur les superprofits, remise en cause du pacte de stabilité… Ce thème important n’a visiblement pas été approfondi par les candidats. Une exception : Les Républicains proposent de diriger une partie des 28 000 milliards d’€ de l’épargne des Européens vers une plate-forme d’investissement dans l’industrie nucléaire.
- Après ce débat, quelle est la conclusion pour Agir pour le climat ? Nous n’allons pas attribuer des notes à chaque candidat et établir un classement. Il y a cependant des propositions qui nous semblent inacceptables au sens où elles remettent en cause le Pacte vert (Green Deal), ou sa mise en œuvre. Renoncer à la sortie des véhicules thermiques en 2035 et remettre en cause l’isolation des bâtiments ne sont pas des positions tolérables. Cela constituerait un énorme recul dans la lutte contre le dérèglement climatique. Nous recommandons donc de ne pas voter pour les Partis qui portent ces propositions.
Pour visionner le débat :