La France prépare sa transition énergétique. Quelle est la place du bois énergie dans une société neutre en carbone ? Pour le savoir, nous avons posé 3 questions à Frédéric Coirier, PDG du groupe Poujoulat. À l’heure actuelle, le bois énergie est la première source de chaleur renouvelable, et jouera aussi un rôle important à l’avenir.
La transition écologique appelle le verdissement de notre énergie. En parallèle, on entend l’appel à l’électrification des usages. Comment voyez-vous le mix énergétique de demain ? Le bois énergie aura-t-il sa place ?
Dans le cadre de la transition énergétique, nous devons miser sur un mix qui s’appuie sur les énergies renouvelables, en complément du nucléaire, c’est-à-dire agir sur l’ensemble des ENR qu’elles soient électrique ou chaleur. Le bois énergie a donc un rôle à jouer.
Le chauffage au bois domestique représente 70 TWh soit le quart des besoins de chauffage du secteur résidentiel. Il équipe 7,5 millions de foyers soit 40 % des maisons. Le bois énergie est donc la première source de chaleur renouvelable.
Pour tenir les ambitions de la France, le bois énergie devra croître et donc nous devons équiper de plus en plus de foyers. À horizon 2035, nous pourrons équiper plus de 10 millions de ménages soit plus de la moitié des maisons individuelles. Mais cela pose la question de l’approvisionnement en bois.
Il faut rappeler que nous avons déjà réduit nos prélèvements de biomasse d’environ 20 % sur les 10 dernières années, grâce à l’amélioration des rendements des appareils, la qualité des combustibles et la progression de l’isolation des habitats. Concrètement, nous consommons moins de 6 stères de bois par appareil à bûches, contre 8 en 2012. Cette dynamique va continuer car la filière bois énergie poursuit les efforts de R&D, améliore le dimensionnement des appareils, informe le consommateur sur les bonnes pratiques, en lien avec l’ADEME. À cela s’ajoutent aussi la formation des installateurs ou la rénovation énergique des bâtiments.
En résumé, à horizon 2035, nous savons que nous accompagnerons plus de foyers en prélevant moins de bois. C’est aussi cela qui me permet d’affirmer que nous aurons toujours le bénéfice de la neutralité carbone pour le bois énergie. Nos forêts sont gérées durablement et les prélèvements qui y sont faits, y contribuent.
Par ailleurs, je tiens à revenir sur une idée fausse : nous ne prélevons pas de bois pour le seul usage du bois énergie. L’objectif premier de la production et de la récolte du bois est la construction et le travail du bois. Le bois énergie est un débouché complémentaire significatif permettant une valorisation globale de l’arbre et contribue à la bonne santé des forêts.
Le bois énergie doit donc se développer mais sera-t-il toujours abordable pour les ménages ?
Le chauffage au bois présente de nombreux avantages en plus d’être renouvelable et neutre en carbone. Le bois énergie est la chaleur la plus compétitive pour les Français, avec un prix entre 8 et 10 c€/kWh alors que l’électricité approche les 30 c€/kWh. Le bois énergie restera compétitif car le prix de l’électricité est amené à augmenter dans les années qui viennent.
Le bois énergie contribue également au développement économique local. Sur l’ensemble de la chaîne de valeur, la part de l’activité localisée en France est estimée à plus de 85 %, avec 150 usines qui maillent le territoire et 40 000 emplois. Le périmètre moyen d’approvisionnement est inférieur à 100 km.
Enfin, le bois énergie renforce le système électrique. Il absorbe une partie des appels de pointes de consommation hivernale d’électricité, tout en optimisant la facture énergétique des consommateurs. Ce phénomène devrait s’accroître avec l’électrification des usages dans les années à venir.
Les progrès sur les appareils et les combustibles ont permis et permettront de moins tirer sur la forêt. Mais que dire de la qualité de l’air. Le bois énergie est-il un contributeur de particules ?
Rappelons que depuis 1990, les émissions françaises de particules fines ont été réduites de plus de 60 % notamment dans les secteurs résidentiel et tertiaire.
Le chauffage au bois est l’un des contributeurs d’émissions de particules dans l’air, au même titre que l’ensemble des activités humaines. Cependant, les nouvelles technologies d’appareils (Flamme Verte), l’amélioration de la qualité des combustibles, la formation des professionnels qui maîtrisent de la pose à l’entretien en passant par le conseil, ont permis des progrès spectaculaires. Ainsi, la quantité de particules fines et ultra-fines émises lors de la combustion a été divisée par plus de 10 entre 2000 et 2012. C’est ce qu’il ressort d’une étude publiée dans la revue Journal of Cleaner Production, en 2021.
La filière bois énergie est montée en gamme et va poursuivre cette démarche en lien avec l’ADEME qui porte l’information des bonnes pratiques auprès des consommateurs. Le passage à 100 % de bois de qualité permettrait de diviser par 4 les émissions totales de particules. On doit donc poursuivre le renouvellement du parc ancien et développer une offre de combustibles de qualité plus importante.