La transition est en marche, mais la cadence actuelle ne suffira pas à atteindre nos objectifs climatiques. Dans cette interview, nous avons posé 3 questions à Marie-Noëlle Battistel, députée socialiste de l’Isère et spécialiste de l’hydroélectricité. Quel est son regard sur la stratégie énergétique et climatique du Gouvernement ?
Marie-Noëlle Battistel, vous êtes députée de l’Isère, considérée à l’Assemblée nationale comme la grande spécialiste de l’hydroélectricité, mais votre compétence ne s’arrête pas à cette énergie si fondamentale pour l’équilibre du système électrique français. Quel regard portez-vous sur l’élaboration de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) qui aurait déjà dû être débattue au Parlement en juillet 2023 et qui fait l’objet d’une dernière consultation publique actuellement ?
L’électrification des usages, transports, énergie dans les bâtiments, décarbonation de l’industrie, étant présentée par le SGPE comme un pilier de la stratégie de la neutralité carbone en 2050, considérez-vous la politique mise en œuvre par les derniers gouvernements comme cohérente avec cet objectif ?
La France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Cela implique une transformation profonde de notre économie et de nos modes de vie, de consommation. L’électrification des usages, notamment dans les secteurs que vous citez est un levier essentiel en effet pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles et diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, au-delà des beaux discours, des décisions récentes, comme la réduction du soutien aux véhicules électriques, semblent aller à l’encontre de ces objectifs. Pour être cohérent, nous devons privilégier une vision globale et ambitieuse en investissant massivement pour moderniser nos infrastructures et nos offres de transports collectifs. Les transports sont à l’origine de 31 % des émissions de gaz à effet de serre, il y a là un levier important à activer. La promotion du transport ferroviaire, passager et fret, le soutien aux projets de mobilités portés par les collectivités locales doivent devenir des priorités d’un aménagement du territoire du XXIe siècle. Je regrette par ailleurs les tergiversations sur MaPrimeRénov’ et le manque de moyens alloués à l’ANAH qui ne permettent pas d’atteindre les objectifs que l’État s’est lui-même fixés. Le Haut Conseil pour le Climat souligne d’ailleurs la nécessité d’intensifier les actions structurelles pour atteindre les objectifs de neutralité carbone préalablement énoncés. Un cap clair pour la décennie 2030-2040 est indispensable.
Avec l’électrification, la réduction de la consommation d’énergie est l’autre grand pilier de la stratégie française énergie-climat. Les Certificats d’économie d’énergie (CEE) en sont l’un des instruments principaux. Mais le dispositif fait l’objet de nombreuses critiques. La Cour des comptes, notamment, lui a consacré récemment un rapport sévère : il pèse pour plus de 5 milliards par an sur les factures d’énergie sans produire d’économies significatives. Alors que le niveau d’obligation des CEE pour la 6e période, qui débute le 1er janvier 2026, doit être fixé par décret dans les tout prochains jours, la représentation parlementaire peut-elle se saisir du sujet ?
Ce dispositif très critiqué doit être revu pour le rendre plus efficace, plus sécurisé et moins complexe. Notre groupe a déjà fait plusieurs propositions dans les différents véhicules législatifs sans véritable succès à ce stade et je ne suis vraiment pas sûre malheureusement que le décret en tienne compte.