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Morgane Créach est la directrice du plus grand réseau français de plaidoyer sur les questions environnementales. Elle nous livre dans cet entretien les points chauds de la rentrée auxquels il faudra être attentifs, aussi bien au niveau français qu’international.

Quels sont les enjeux de la rentrée au niveau national ?

Le rapport rendu par le Haut Conseil pour le Climat au mois de juin alerte sur le retard pris par la France pour atteindre ses objectifs climat et énergie. En 2018, les émissions de gaz à effet de serre de la France dépassent toujours de 4,2% le budget carbone à respecter.

A la rentrée, le Gouvernement doit donc accélérer les actions prises pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. La prochaine loi de finances qui sera présentée en septembre, sera décisive. Chaque année, la France continue d’accorder 11 milliards d’euros en exemptions ou remboursements de taxes à des secteurs nocifs pour le climat tels que l’aérien ou le transport routier de marchandises. Il est important de supprimer progressivement mais définitivement ces « niches fiscales » qui avantagent des secteurs polluants par rapport à des alternatives meilleures pour le climat telles que le train. La prochaine loi de finances devra aussi consacrer davantage de moyens aux solutions pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, la loi EGALIM fixe comme objectif au secteur de la restauration collective publique (1,8 milliards de repas servis par an) d’introduire 50 % d’alimentation de qualité, labellisée et locale, dont 20 % de produits bio d’ici à 2022. Pour y parvenir, un bonus doit lui être consacré, à hauteur de 330 millions d’euros chaque année pendant trois ans.

Un autre enjeu de la rentrée porte sur la finalisation de la loi mobilités, qui, à l’heure actuelle ne permettra pas d’engager notre pays vers une nouvelle forme de mobilité, moins nocive pour le climat, pour la santé et plus inclusive. Les députés ont un rôle à jouer pour renforcer ce projet de loi : en supprimant les projets routiers de la liste de nos futures infrastructures, en dédiant plus de moyens au train et au vélo, en rendant obligatoire pour tous les employeurs le remboursement des déplacements domicile-travail effectués à vélo ou en covoiturage et en fixant à 2030 la fin de vente des véhicules diesel et essence et non à 2040, échéance beaucoup trop tardive.

Enfin, le Premier Ministre a lancé une initiative pour lever les obstacles de mise en œuvre de la transition énergétique dans les territoires qui doit aboutir en septembre sur un « nouveau contrat ». L’enjeu prioritaire pour le climat consistera à interdire à terme aux bailleurs la location des passoires énergétiques c’est-à-dire des logements énergivores classés sous l’étiquette énergie F ou G. Il s’agit d’un enjeu pour le climat mais également d’un point de vue social car aujourd’hui encore, 12 millions de personnes souffrent de précarité énergétique du fait de logements mal isolés.

– Connaissant les importantes dates internationales de la rentrée, quelle est la position de la France à l’international, quel est son pouvoir et les ambitions qui doivent être défendues (par rapport au climat et la biodiversité) ?

La France occupe une place particulière sur la scène internationale en 2019 : elle préside le G7, groupe de sept des pays les plus riches et les plus polluants de la planète, et s’est vue confier le rôle de cheffe de file sur la finance climat pour le sommet « Action climat » de l’ONU en septembre. Pour chacune de ces échéances, la France doit non seulement impulser des dynamiques internationales mais aussi assurer la cohérence de ses politiques nationales.

Une diplomatie climatique ambitieuse ne se résume plus seulement à de beaux discours, alors qu’il ne reste que jusqu’à 2020 pour que les pays revoient à la hausse leurs objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Au-delà de redresser le cap à l’échelle nationale, nous attendons de la France  :

  1. Qu’elle agisse en tant qu’État membre de l’Union européenne pour que cette dernière rehausse son objectif climatique pour 2030 à un niveau compatible avec le seuil de 1,5°C de réchauffement global et adopte un objectif de neutralité carbone avant 2050.
  2. Qu’elle soit solidaire avec les pays en développement qui souffrent le plus du dérèglement climatique, en doublant sa promesse de financement au Fonds Vert pour le climat, pour atteindre 2 milliards d’euros essentiellement sous forme de dons.

 

– Quelle est l’importance du Parlement Européen et quels sont les enjeux par rapport à la Finance climat ?

Le Parlement européen a un rôle non négligeable dans l’Union européenne : ses 751 députés sont colégislateurs aux côtés des Etats, c’est-à-dire qu’ils décident à poids égal l’ensemble des règlementations adoptées au niveau européen. Il négocie les priorités d’action de l’Union européenne et valide par son vote la nomination des principaux décideurs européens, dont le ou la Président.e de la Commission européenne. Son rôle est également crucial sur les sujets liés au climat puisqu’il fait souvent office de « gardien » de l’ambition climatique face à des Etats qui sont souvent plutôt frileux sur ces questions.

La mise en conformité des outils financiers de l’Union européenne avec les objectifs de l’Accord de Paris est indispensable. S’il est important de renforcer considérablement les montants alloués aux investissements dans les filières d’avenir et les reconversions professionnelles, – estimés par la Cour des Comptes européenne à plus de 1000 milliards par an – il est également crucial de stopper tous les financements allant aujourd’hui vers des filières néfastes. Tant les acteurs publics que les acteurs privés doivent être mis à contribution. A titre d’exemple, un récent rapport du Réseau Action Climat a montré que 21% des financements de la Banque européenne d’investissement dans le secteur de l’énergie vont encore à des énergies fossiles : elle est donc encore loin d’être la Banque du climat !