Cette semaine, vous débutez votre mandat de député européen, mais depuis votre élection, vous êtes à Bruxelles, quels enseignements tirez-vous de ces premières semaines ?
48h après avoir été élu, j’étais à Bruxelles pour rencontrer des députés mais aussi des ONGs et syndicats, pour travailler ensemble au meilleur moyen de continuer et augmenter la pression citoyenne en matière climatique sur les décideurs politiques. Ma volonté est de continuer, comme le fait l’association Pacte Finance-Climat, de déployer une stratégie en tenaille, avec la société civile d’un côté et des personnes convaincues dans les instances de pouvoir, rôle que je suis très heureux d’avoir en tant que député européen et pour lequel je ressens une immense responsabilité.
Je fais tout pour que l’on puisse mettre en œuvre ce dont je parle depuis longtemps : le Pacte Finance-Climat. Il faut gagner la partie. Il n’est pas, pour moi, envisageable d’être à Bruxelles seulement pour témoigner ou me faire plaisir. Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard.
En arrivant au parlement européen, je me suis rendu compte que le Pacte Finance-Climat avait des alliés dans plusieurs pays. Par exemple, en Espagne, Josep Borell qui vient de prendre la tête de la diplomatie européenne, a fini sa campagne des européennes en reprenant le projet du Pacte.
Comment pensez-vous agir avec d’autres pour créer une coalition qui fasse de l’action contre la crise climatique la priorité des différentes institutions européennes ?
L’enjeu aujourd’hui est de négocier avec 3 ou 4 partis politiques et c’est très intéressant. Le travail, que j’ai commencé depuis quelques semaines et que je vais continuer, est que l’on soit le plus grand nombre de députés à comprendre la crise climatique. J’ai par exemple un ami luxembourgeois, ancien ministre, qui m’a dit qu’il avait lu le petit livre, que j’ai co-écrit avec Jean Jouzel et Anne-Hessel, et qu’il était d’accord avec nous. Je pense qu’il sera d’accord pour bloquer la nomination de la présidente de la commission en novembre, s’il n’y a pas d’engagements forts. Ma volonté n’est pas de bloquer le travail de la commission durant toute la mandature mais d’obtenir que, dans les 6 prochains mois, de nouvelles négociations s’engagent avec des objectifs ambitieux pour l’Europe en matière de climat.
J’ai d’ailleurs déjà annoncé à plusieurs reprises, que lors du vote sur la présidence de la commission européenne début novembre, je voterai, et j’espère que nous serons nombreux à le faire, contre le mandat de la commission si la nouvelle présidente ne s’engage pas sur des mesures concrètes pour lutter contre la crise climatique. Ce qui est positif et encourageant, c’est de sentir que je ne suis pas seul. La lutte pour le climat a des alliés, aussi bien chez les Sociaux&Démocrates que chez d’autres sensibilités politiques, aussi bien en France que dans d’autres pays européens. Je me donne pour mission que la nouvelle commission formule des propositions concrètes sur le climat, la séparation des banques et le progrès social.
Maintenant que vous portez le Pacte Finance-Climat comme député européen, l’association du même nom que vous avez créée a-t-elle toujours sa raison d’être ?
Oui, plus que jamais ! Il faut conjuguer les forces de tous les parlementaires européens qui portent l’enjeu climatique, quel que soit leur bord politique, avec la pression des lobbies citoyens comme l’association Pacte Finance-Climat qui a depuis sa création le souci d’inscrire sa démarche dans une dynamique fédératrice et transpartisane.
Il y a aujourd’hui des blocages et une inertie forte chez des dirigeants politiques, ainsi qu’une très forte présence de groupes de pression qui défendent leurs intérêts propres au lieu du climat, bloquant toutes les avancées en faveur de l’environnement.
Il faut absolument des lobbies citoyens comme le Pacte Finance-Climat. Je n’ai pas changé d’avis la-dessus.
Il y a eu une ICE, Initiative Citoyenne Européenne, sur l’eau récemment pour dire que cette ressource n’était pas une matière première comme les autres ; que c’était un bien commun. Il y a eu des initiatives pour dire stop aux traités internationaux. Aujourd’hui, avec tous les acteurs de ces initiatives, les ONGs, syndicats et citoyens, nous préparons une initiative avec 3 revendications :
- Stopper 100% des investissements bruns, une proposition de 350.org, pour que les banques publiques ou privées, ou assurances ne puissent plus travailler sur le territoire européen si elles n’ont pas nettoyé leur bilan de tous les investissements « sales » ;
- Adopter le Pacte Finance-Climat ;
- Sortir de la règle des 3% de déficit pour tous les investissements verts, mesure portée par la FNH notamment.
Notre objectif est que la nouvelle présidente de la commission s’engage par écrit à soumettre ces trois revendications par référendum aux peuples d’Europe et que, la même semaine, tous ces peuples s’expriment sur ce sujet. Je pense que ce serait vraiment fort si la société civile, en lien avec des députés, était à l’origine de cette initiative.
Il faut que les citoyens s’emparent des problématiques climatiques pour dire quelle société et quelle Europe ils veulent construire.
Si certains jours, je me dis que c’est « foutu » quand je vois les 50° en Inde ou la fonte des glaces au Groenland, on peut aussi se réjouir quand on voit, qu’en France comme en Europe, beaucoup de citoyens et d’organisations, comme celle de Laurent Berger, s’engagent aux côtés de ceux qui portent la question du climat. Il faut, qu’en France comme dans toute l’Europe, des coalitions se rassemblent sur la question du climat des jeunes et moins jeunes, des syndicalistes, des chefs d’entreprises, pour gagner ensemble la bataille du climat.
Et évidemment l’association Pacte Finance-Climat, créée avec Jean Jouzel, a toute sa place dans cette dynamique collective.