Le traditionnel projet de loi de finances inclut cette année un rapport sur l’impact environnemental du budget de l’Etat qui évalue et catégorise les dépenses publiques en vert pour les plus vertueuses et en brun pour les plus néfastes. Nous nous sommes intéressés au fonctionnement de l’outil, à ses limites et au diagnostic livré.
En décembre 2017, peu après le One Planet Summit, l’Organisme de coopération et de développement économique (OCDE) lance une initiative visant à dessiner les principes et outils de la budgétisation verte. Elle consiste à présenter l’impact environnemental des dépenses inscrites dans le budget général d’un Etat et ainsi à évaluer sa compatibilité avec les engagements internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (atteinte de la neutralité carbone en 2050).
Le projet de loi de finances pour 2022 présente en annexe un « rapport sur l’impact environnemental des dépenses de l’Etat ». Cet exercice innovant fait de la France l’un des premiers Etats à essayer cet exercice de cotation environnementale de ses dépenses. Sur la base des fondements méthodologiques de la mission d’inspection de l’IGF et du CGEDD (Rapport Green Budgeting : proposition d’une méthode pour la budgétisation environnementale), six objectifs environnementaux sont retenus (réduction des émissions de GES, prévention des risques naturels, gestion des ressources en eau, transition vers l’économie circulaire, lutte contre les pollutions et préservation de la biodiversité).
L’ensemble des actions budgétaires (nomenclature la plus fine du projet de loi de finances) se voient attribuer une pastille de couleur verte (dépense participant directement à la production d’un bien ou service environnemental ou dépense sans objectif environnemental mais avec un impact indirect), grise (dépense sans effet significatif sur l’environnent) ou marron (dépense constituant une atteinte directe à l’environnement ou incite à des comportements défavorables à celui-ci). Le principe de prudence s’applique à la budgétisation environnementale : en l’absence d’évaluation fiable, les dépenses ne sont pas cotées et ne se voient attribuer aucune pastille.
Le périmètre retenu est de 586 milliards d’euros, comprenant l’objectif de dépenses totales de l’Etat (ODETE, pour 495 milliards) et les dépenses fiscales (91 milliards).
100 milliards d’euros de dépenses (17% du total) sont non-cotées, en l’absence d’évaluation fiable. De plus, 433 milliards d’euros de dépense (73% du total) présentent un effet neutre.
53,4 milliards d’euros de dépenses ont un effet soit favorable soit défavorable sur l’environnement.
Ainsi, les dépenses favorables à l’environnement augmentent, passant de 31,4 milliards en 2021 à 32,5 milliards en 2022. Le plan de relance y contribue fortement à hauteur de 6,6 milliards (étalés sur 2021 et 2022). Elles regroupent principalement les dépenses en faveur des énergies renouvelables, des technologies vertes et de la décarbonation de l’industrie (8,3 milliards), la prime de rénovation énergétique (2,2 milliards), une partie de l’aide publique au développement (2 milliards), les dépenses de recherche scientifique en matière d’environnement (2,9 milliards), les dépenses pour les agences environnementales (2,8 milliards), les dépenses fiscales (3,4 milliards, dont le taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation énergétique).
Les dépenses défavorables à l’environnement s’élèvent à 10,8 milliards en 2022. Les dépenses fiscales y jouent un rôle prépondérant, notamment par les taux réduits sur les taxes intérieures de consommation énergétiques (7,6 milliards).
Les dépenses mixtes, favorables à l’environnement sur un axe mais avec des effets négatifs sur un ou plusieurs autres axes, représentent 4,5 milliards, principalement en lien avec les travaux d’infrastructure de transport de collectif (0,8 milliard pour la société du Grand Paris par exemple).
L’apport de la dernière édition de l’exercice de budgétisation verte est l’intégration d’indicateurs de performance environnementale, permettant de qualifier l’efficience environnementale des dépenses et de ne pas se contenter des volumes de crédits présentés, dans l’objectif d’attirer l’attention du gestionnaire public.
Quels enseignements en tirer ? La budgétisation pourrait faire l’objet d’une validation indépendante, par exemple par la Cour des Comptes et le commissariat général du développement durable (CGDD) Il faut d’abord essayer de diminuer au possible le nombre de dépenses non-cotées en affinant l’évaluation environnementale. Surtout, comme tous les indicateurs de performance budgétaire, son impact sur la gestion publique est limité. L’attention portée par les décideurs et le grand public sur cet exercice est faible, limitant ainsi son intérêt. Enfin, la budgétisation verte se heurte à la difficulté de concilier la transition écologique avec d’autres objectifs budgétaires. Si la diminution des dépenses défavorables à l’environnement est souhaitable pour atteindre les objectifs de lutte contre le dérèglement climatique et de préservation de la biodiversité, la cotation défavorable d’une dépense ne suffit pas pour conclure à la nécessité de la supprimer car elle répond à d’autres objectifs d’action publique, comme la sécurité de la population ou l’accès aux produits de premières nécessité.
Pour conclure, la budgétisation verte doit être utilisée comme un outil permettant de prioriser les dépenses publiques selon leurs effets environnementaux, et de définir si une dépense défavorable doit être maintenue au regard de ses objectifs. Elle permet de faire le point sur l’ensemble des dépenses favorables à l’environnement et sur leur efficience, grâce à l’intégration du nouveau volet de performance.