Aujourd’hui, les préoccupations liées au climat et à la biodiversité sont croissantes dans les esprits de nos concitoyens et dans le débat public. Nous avons demandé l’avis de Jean Jouzel, qui a observer la naissance de ces préoccupations dans la société.

 

Nous avons le sentiment ces derniers mois, qu’il y a une accélération de la prise de conscience des problématiques liées au changement climatique, comment percevez-vous cette évolution ?

J’ai toujours pensé que la prise de conscience de la crise climatique se ferait lorsqu’elle deviendrait vraiment perceptible. Je pensais que ce serait dans les années 2030, donc je suis heureux de voir que c’est plus tôt. Mais malheureusement, c’est aussi parce que les conséquences du réchauffement climatique et la perte de biodiversité deviennent de plus en plus perceptibles. En 1992, lors du sommet de Rio, il avait été dit que les actions devraient être prises avant que les effets se fassent ressentir afin que nous n’ayons jamais à les subir. Malheureusement, à ce moment là il n’y avait pas eu de sursaut assez fort pour entraîner la société et cet objectif n’a pas été atteint…

Il faut aussi savoir que la prise de conscience ne touche pas seulement les citoyens. Les marches des jeunes ont permis de mettre l’écologie au coeur du débat public et ainsi de toucher l’ensemble de domaines différents. C’est ainsi que beaucoup de secteurs d’activité sont aussi sensibles aux enjeux de la transition écologique. Le monde agricole commence à comprendre qu’un changement va être nécessaire dans les méthodes de production, comme les entreprises et les industries.

Il y a une montée en puissance des thématiques écologiques dans le débat public depuis quelques mois, et le Pacte Finance Climat y a joué son rôle, et à mon niveau cela se traduit par de plus en plus de sollicitations. Dans le cadre du Pacte, mais aussi beaucoup à côté dans les entreprises, dans les écoles et même dans le secteur financier qui s’intéresse de plus en plus au sujet. Et étant proche de l’Institut Pierre Simon Laplace (IPSL), j’ai pu voir que je n’étais pas le seul à être interpellé et que de plus en plus de chercheurs étaient sollicités pour intervenir sur le changement climatique.

 

Comment interprétez-vous le résultats des élections ? Est-ce une bonne nouvelle ?

Pour commencer, je dois dire que j’ai été agréablement surpris par la place accordée à la transition écologique dans les programmes des listes. Sans faire de bilan exhaustif, les listes ayant un programme écologique étaient nombreuses et ont reçu beaucoup de voix. C’est une chose dont il faut se féliciter. Même s’il y a le regret du score réalisé par l’extrême droite, il y a eu de belles surprise comme les scores obtenus par la liste Urgence Écologie ou le Parti Animaliste.

Beaucoup ont repris l’idée de la Banque Européenne du Climat et de la Biodiversité mais très peu malheureusement ont repris la mise en place d’un budget dédié.

Après ces élections, le parlement européen s’est renouvelé et il faut les idées défendues par le Pacte soient portées afin que cela se traduise par de véritables avancées législatives. Il faut que cela joue un effet d’entraînement. Une des nécessités pour réussir la transition écologique, c’est une vraie politique d’énergie européenne. Pour l’instant, ces prérogatives sont laissées aux nations, mais sans une vraie politique commune de l’énergie, nous ne réussirons pas à atteindre les objectifs fixés au niveau européen.

 

Qu’attendre pour la suite ?

J’ai tendance à parler de la transition énergétique mais c’est la transition écologique dans son ensemble qu’il faut réussir, sans oublier l’adaptation et la perte de biodiversité. De manière générale, j’adhère aux Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations-Unies, c’est dans cette dynamique très large qu’il faut placer la lutte contre le changement climatique car il y a des synergies indéniables entre ces deux choses.

Sur une note un peu positive, je pense que la transition peut se passer plus rapidement que certains l’envisagent. Par exemple, on peut imaginer que lorsque le véhicule électrique sera moins cher que le véhicule thermique, il s’imposera très rapidement. La transition viendra rapidement, mais j’ai peur que cela ne vienne pas de l’Europe. C’est à la fois un espoir et une crainte. Un espoir car l’électrique deviendra compétitif, mais la crainte que cela se fasse au détriment de l’Europe car elle ne l’est pas.

Si je devais donner les principales choses à changer pour lutter contre le changement climatique, ce serait en premier lieu la mobilité, car en effet le secteur des transports est responsable aujourd’hui de 30% des émissions de gaz à effet de serre en France. Ensuite, il faut rénover les bâtiments, les isoler ; il faut verdir la production d’énergie et changer nos méthodes d’agriculture et notre alimentation.