Le Sénat termine l’examen du projet de loi Climat et résilience. Nous avons sollicité deux sénateurs pour répondre à trois questions, messieurs Jean-François Longeot, du groupe centriste et Ronan Dantec, du groupe Ecologiste – Solidarité et Territoires. Le premier est président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, quand le second en est un vice-président. Nous comprenons la difficulté de nous répondre dans ce temps consacré à l’examen de la loi. Nous les remercions tous les deux d’avoir entendu notre sollicitation. Seul, le sénateur Ronan Dantec nous à fait parvenir ses réponses.

Le projet de loi Climat et résilience que vous examinez actuellement va-t-il répondre aux préoccupations de la communauté scientifique ?

La réponse est NON.

C’est une mauvaise surprise de voir que même la ministre pense qu’avec cette loi nous serons à peine aux objectifs fixés par l’État pour 2030. En ce qui concerne les objectifs du Green Deal européen à moins 55% des émissions par rapport à 1990, la France va se mettre hors-jeu. C’est une véritable déception.

Il faut dire aussi, que le texte qui nous est parvenu ne contenait plus que 10% des propositions de la convention citoyenne pour le climat. La convention avait travaillé sur la base de moins 40%, l’objectif européen ayant été adopté après ses travaux.

Cette loi est une forme d’adieu à l’accord de Paris. Je suis triste de voir notre pays leader de ce moment historique se placer dans une contradiction majeure. Ce texte va à peu près répondre à la moitié des engagements de la France.

Pour le climat, c’est très facile de faire de grandes phrases, mais ce qui est important finalement, c’est le nombre de tonnes de CO2 qui ne seront pas émises. Et là malheureusement, il n’y a pas de quantification globale.

A six mois de la COP de Glasgow, c’est un très mauvais signal adressé par la France au monde entier.

Si vous ne deviez citer qu’un point de la loi Climat issu de votre Haute assemblée qui vous attriste, quel est­-il ? Et quel est celui que vous êtes heureux de voir porté par le Sénat ?

Le GIEC nous dit qu’il faut agir dans tous les domaines de manière coordonnée pour atteindre l’objectif de moins 55% en 2030. Cet objectif est impérieux pour tenir l’objectif de moins de 2°C pour la fin de ce siècle. La situation est alarmante et les majorités de l’Assemblée nationale et du Sénat font très clairement preuve d’une cécité dramatique.

Au Sénat, par exemple, la majorité a adopté des amendements contre l’éolien terrestre. Ils remettent gravement en cause le Plan Pluriannuel de l’Énergie. Je pourrais malheureusement citer de nombreux autres points de ce projet de loi.

En revanche, j’ai la satisfaction de voir retenue la mesure d’inscription du financement de la transition dans les territoires. Depuis la loi du 7 août 2015 portant la nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, les régions doivent désormais élaborer des schémas d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET) auxquels sont intégrés les schémas régionaux climat air énergie.

L’État a transféré ces compétences sans transfert de moyen. L’amendement retenu vise à doter les EPCI et les régions, en charge respectivement de l’élaboration et de la mise en œuvre des PCAET et des SRADDET, de 15 euros par habitant et par an, en affectant une part des recettes générées par l’augmentation prévue de la contribution climat énergie (CCE) établie dans le cadre de la loi de transition énergétique et par la loi de finances rectificative pour 2015.

L’objet de notre association est de mettre la finance au service de l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et de l’adaptation au changement climatique. Dans ce domaine, quelles sont les éléments que vous défendez dans cette loi et demain dans la loi de finances ?

A ce stade, il n’y a pas de stratégie financière globale pour mettre en œuvre les actions. Notre groupe présentera un ensemble de mesures de financement lors de l’examen de la loi de finances.

Le gouvernement reste frileux sur ce sujet. L’échec de la taxe carbone qui a généré le mouvement des gilets jaunes est le fruit d’une précipitation sans stratégie pédagogique. Le Parlement dans son ensemble reste tétanisé. Il n’y a pas de stratégie entre la réglementation et les nécessités de financement. Il faut reprendre les éléments de la contribution climat énergie (CCE) qui s’adossait à la fois sur un signal prix de la tonne de carbone et sur une redistribution pour les plus défavorisés économiquement et géographiquement.

Propos recueillis par Édouard Bouin