Le 11 novembre, le Conseil d’administration de la Banque européenne d’investissement (composé des représentants des État membres de l’UE) a adopté la feuille de route climatique du groupe pour la période 2021-2025. Celle-ci confirme les annonces faites l’année dernière : exclusion des énergies fossiles des financements de la banque d’ici fin 2021 et augmentation de la part consacrée aux investissements verts, pour atteindre un minimum de 50 % d’ici 2025.

Agir pour le climat, qui a fait de la création d’une Banque européenne du climat un axe central de plaidoyer, se félicite à nouveau de cette orientation, qu’elle salue. Elle représente une avancée notable. Néanmoins, l’association émet des réserves quant au strict alignement de la BEI sur l’accord de Paris : si la banque s’engage par exemple à ne plus financer les extensions aéroportuaires, elle pourra continuer à financer la construction d’autoroutes. D’autre part, indépendamment du projet financé, la BEI n’impose pas d’éco-conditionnalités aux entreprises à qui elle prête et aux banques avec qui elle travaille. Autrement dit, elle ne cherche pas à peser sur la trajectoire carbone de ces entités.

Surtout, et nous le répétons depuis un an, pour que la BEI devienne pleinement la Banque du climat dont l’Europe et le Green Deal ont besoin, il faudrait accroître, bien davantage, le volume de ses financements verts. Les 30 % que la banque aura consacrés au climat en 2020 représentent 18 milliards d’euros. Lorsque cette part atteindra 50 %, ce seront 30 milliards d’euros qui iront chaque année à des projets de transition écologique. Le groupe BEI prévoit ainsi de soutenir 1 000 milliards d’euros d’investissements verts entre 2021 et 2030 (cofinancement des banques commerciales + fonds européen d’investissement). Rappelons qu’en 2017, la Cour des comptes européenne avait évalué le besoin d’investissement total, privé et public confondus, à 1115 milliards d’euros par an.

Cette montée en puissance de la BEI ne permettra de mobiliser que 500 milliards d’euros supplémentaires pour le climat en 10 ans, soit 50 milliards par an, quand la Commission européenne évalue à 350 milliards le déficit d’investissement dans l’Union pour atteindre l’objectif de -55 % d’émission de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990). Nous n’aurons fait que le 7e du chemin. L’intégralité du financement de la transition écologique ne saurait reposer sur la seule BEI, bien sûr, et les autres banques publiques d’investissement nationales, partout en Europe, doivent elles aussi se transformer en banques du climat. Mais sa force de frappe devrait être sérieusement accrue.

Nous demandons que le « bras financier » de l’UE soit recapitalisé, à hauteur d’une dizaine de milliards d’euros, et que les nouveaux financements permis par cette recapitalisation (une trentaine de milliards) servent exclusivement nos objectifs climatiques. D’ores et déjà, les règles d’engagement de la banque, très prudentes (son ratio fonds propres/nouveaux financements, supérieur à 30 %, est particulièrement élevé), pourraient être assouplies, permettant d’accroître sans tarder son bilan de 150 milliards d’euros.

Avec l’adoption de cette feuille de route climatique par la BEI, c’est donc le volet bancaire du Pacte Finance-Climat proposé par APLC qui commence à être appliqué. Nous tenons néanmoins à rappeler ici que notre organisation proposait également la mise en place d’un outil budgétaire, indispensable pour compléter l’action de la Banque européenne du climat.

Les Chef.f.es d’État négocient actuellement le plan climat européen. Sans nouvelles ressources propres, le Green Deal restera lettre morte. Nous les exhortons à mettre à contribution les marchés en adoptant une taxe sur les transactions financières (TTF) qui doterait l’UE de 50 milliards en plus chaque année. Ces fonds sont plus que jamais nécessaires à l’heure où notre continent affronte un double défi : relancer son économie et opérer sa transition.