Suite à la lecture de notre cahier d’acteur, Martin Guespereau, directeur adjoint de cabinet et deux de ses collaborateurs ont reçu notre association pour un échange technique et bienveillant. Le projet d’une Banque européenne du climat a fait l’objet de beaucoup de travail entre certains ministères. Il a été porté très fortement par le Ministère de la Transition écologique et solidaire, a bénéficié de l’appui du Ministère des Affaires étrangères, mais comme souvent, a suscité la réticence de Bercy.

L’option d’une création ad hoc d’une telle banque a très vite été écartée.

Pour Bercy, la proposition d’un financement par la BCE a été écartée. Pour ce ministère la stabilité des prix doit rester sa mission première. Nous pensons que, dans le périmètre actuel de ses missions, la BCE dispose d’une possibilité d’actions pour les politiques climatiques, comme nous l’exprimons dans le cahier d’acteur.

Amélie de Montchalin, secrétaire d’Etat chargée des Affaires européennes, économiste de formation, est sensible aux questions de finance-climat, ayant travaillé sur ces sujets lorsqu’elle était chez Axa. Elle a incité Christine Lagarde à un verdissement de la BCE avant qu’elle ne soit auditionnée devant la Commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen.

Au niveau des Etats, français comme allemand, l’option d’une filiale pour la banque du Climat n’est pas abandonnée. Pour le Ministère des affaires européenne nous nous acheminons vers la transformation progressive de la BEI en Banque du climat : le dernier Conseil des gouverneurs de la BEI (qui rassemble les ministres des Finances des pays membres de l’UE) a acté que la part des prêts octroyés par la banque en direction du climat serait portée à 50% (contre 25% aujourd’hui). La BEI, de peur de se faire doubler sur le terrain climatique, est en train de prendre le virage. Elle veut aussi arrêter ses financements bruns.

En revanche, l’Allemagne et les Pays-Bas ne veulent pas mettre un centime de plus dans le capital de la BEI pour ne pas concurrencer leur propre Banque nationale de développement.

La France défend l’arrêt des subventions européennes incompatibles avec l’Accord de Paris.

Actuellement, environ 20% du budget européen est affecté au climat (près 37 Mds€/an). La France pousse pour que cette part soit doublée, mais elle est seule au niveau du Conseil européen. La Commission propose seulement 25% et considère qu’on ne pourra pas faire mieux. Le Parlement vise 30%.

Le programme InvestEU (qui succède au plan Juncker) représente une autre fenêtre d’investissements possible.

La Commission a proposé que ce fonds de garantie (sur le budget de l’UE) s’élève à 38 Mds€ (période 2021-2027) pour mobiliser 650 Mds€ par effet de levier.

Le Parlement veut qu’il s’élève à 40,8 Mds€ pour mobiliser 698 Mds€ et souhaite qu’au moins 40% de ces investissements aillent en direction du climat.

La France plaide pour que ce fonds permette 550 Mds€ d’investissements par un effet levier de 15 et que 30% de ces investissements aillent au climat. Elle demande à ce que 75% de ce fonds soient gérés par la BEI et 25% par les Banques nationales de développement.

Autre élément abordé, la neutralité carbone en 2050. Si ce point fait presque l’unanimité en Europe, cet horizon étant lointain, quand on parle d’un objectif plus proche, celui de 2030, là il ya de fortes divergences. L’Allemagne est totalement bloquée par son lobby automobile, la Pologne par son modèle énergétique…

En conclusion, nos interlocuteurs nous disent que la France veut faire bouger les choses, mais est bien isolée. L’organisation par notre association, dans les mois qui viennent, d’un grand évènement à Bruxelles, à Berlin et/ou dans les pays de l’est avec d’autres ONG pourrait être utile. Le rôle des citoyens européens sera central pour faire bouger les lignes politiques.