Des membres du « collectif jeunes » nous interrogent collectivement sur l’usage du numérique et sur son impact environnemental, notamment au regard du climat. Merci à elles.
Selon The Shift Project, le numérique serait responsable de 4 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, soit deux fois plus que le secteur de l’aviation civile. L’usage des ordinateurs, téléphones et tablettes nous paraît anodin alors qu’ils sont des pollueurs invisibles. Mais comment ?
Le numérique est omniprésent dans notre vie que ce soit au travail ou à la maison. 47,9 % de la population mondiale avait en sa possession un ordinateur personnel en 2017. Ce chiffre s’élève à 76 % en France. Concernant le smartphone, grande révélation de la dernière décennie, 58 % des Français en détenait un en 2015 contre 73 % en 2017.
Internet et son évolution ont participé grandement à l’essor du numérique. L’accès à internet s’est généralisé. En France par exemple, 89 % de la population avait accès à internet en 2018 contre 41 % en 2006. Dans le monde, cette part représentait 54 % en 2018. Des RTC à la 4G en passant par l’ADSL, internet est aussi devenu de plus en plus rapide mais aussi de plus en plus mobile. 52 % du trafic internet mondial se fait par smartphone. On peut aisément regarder sa série préférée dans les transports grâce à la 4G ou encore faire des appels vidéo lorsqu’on est à l’extérieur.
Une des particularités d’internet réside dans sa polyvalence. On peut faire ses courses en ligne, lire, s’informer, communiquer, écouter de la musique ou encore regarder des vidéos.
5 heures et 7 minutes. C’est le temps moyen que passe un adulte quotidiennement devant un écran. Nous sommes de plus en plus connectés, de plus en plus rapides et polyvalents dans notre usage des équipements numériques… mais à quel prix ?
Il est difficile de se rendre compte que nos écrans favoris sur lesquels vous nous lisez actuellement sont loin d’être un cadeau pour la planète. On pourrait parler d’impact environnemental « invisible » ou « immatériel ». Malheureusement, cet impact est bel et bien réel et matériel. Comme évoqué précédemment, le numérique représente 4 % des émissions de gaz à effets de serre mondiales. En 2019 seulement, ces émissions de gaz à effet de serre équivalaient celle de 116 millions de tours du monde en voiture selon le calcul de GreenIT. Son empreinte globale sur l’humanité représenterait du double au triple l’empreinte de la France. Tout au long de leur cycle de vie, de leur fabrication à leur fin de vie en passant par leur utilisation, les équipements numériques et l’ensemble des infrastructures qu’ils nécessitent (data centers, infrastructures de réseau) sont source d’impacts néfastes pour l’environnement.
La fabrication est une étape clé dans la compréhension de ces impacts. Elle représente 44 % des gaz à effets de serre émis par le numérique (Fabrication, Utilisation), notamment par l’utilisation d’énergie primaire lors de l’extraction des matériaux nécessaires à la fabrication, la transformation de ces matériaux… En effet, leur fabrication requiert l’extraction de minerais (fer, cuivre, silice, zinc…) entraînant l’épuisement des ressources : d’après l’ADEME, il faut mobiliser de « 50 à 350 fois le poids en matières pour produire des appareils électriques à forte composante électronique ». Pour un ordinateur de 2 kg par exemple, 800 kg de matières premières doivent être mobilisés. En plus de l’épuisement des ressources, l’extraction des minerais occasionne la déforestation, la pollution des sols par l’utilisation de produits chimiques, la surutilisation et la pollution de l’eau. La grande majorité des mines (83 %) étant à ciel ouvert, on peut y ajouter la dangerosité pour la santé des populations locales.
Concernant l’utilisation de nos équipements numériques, elle représenterait 56 % des émissions de gaz à effets de serre des équipements (Fabrication et utilisation). Mis à part l’utilisation d’énergie pour l’alimentation directe de nos appareils, utiliser tout équipement numérique implique la circulation de données. En moyenne, une donnée parcourt 15 000 km, soit un aller-retour Paris-Haïti. Lorsque nous faisons une recherche Google, que nous tweetons ou encore que nous écoutons un podcast, des données sont en circulation permanente entre l’utilisateur et les data centers où elles sont stockées. On utilise alors des infrastructures de grande envergure qui sont très énergivores. En 2019, Greenpeace a abordé le sujet dans un rapport consacré. 7 % de la consommation d’électricité mondiale serait attribuable à ces data centers(1).
Parmi ces données constamment en circulation, il y a le visionnage de vidéo. À lui seul, il représenterait 80 % des flux de données mondiaux en 2018, ce qui a généré 300 Mt équivalent CO2 soit autant de gaz à effet de serre que l’Espagne la même année. Les émissions de gaz à effet de serre de services de streaming comme Netflix ou encore Amazon prime sont équivalentes à celles du Chili (+ de 100 Mt équivalent CO2).
Après avoir bien profité de nos équipements, ils finissent par être obsolète, qu’on parle d’obsolescence technique, esthétique ou logicielle. Chaque français produirait 21 kg de déchets d’équipement électriques et électroniques par an. Très peu de ces déchets sont collectés… Seulement 45 % l’étaient fin 2019, loin de l’ambition européenne d’atteindre les 65 % la même année. Une autre question essentielle est l’avenir de ces déchets électroniques. En regardant le film « Welcome to Sodom » de Christian Krönes et Florian Weigensamer, on y découvre les décharges électroniques à ciel ouvert qui font courir un grand danger sanitaire à la population et détruit les terres. Plus qu’une menace pour l’environnement, la surconsommation électronique serait un réel fardeau éthique.
D’après l’ADEME, le numérique émettra autant de gaz à effets de serre que le secteur automobile d’ici 2050. Pour éviter ce scénario, il existe des solutions. Récemment, on a pu voir de nouvelles idées émerger comme l’utilisation des data centers pour chauffer nos bâtiments. La piscine de la Butte-Aux-Cailles à Paris est chauffée grâce aux serveurs ce qui permet d’éviter l’émission de 45 tonnes de CO2 par an. Les data centers étant loin d’être les seuls responsables des impacts environnementaux du numérique. La fabrication des équipements pesant lourd dans le bilan, il serait urgent de remettre en question notre consommation. Il existe des solutions, la première étant de garder ses équipements le plus longtemps possible. Vous pourrez retrouver ces bonnes pratiques sur cette infographie réalisée dans le cadre d’un rapport universitaire sur les impacts du numérique sur l’environnement et au travail.
Par Yasmine Bouirig, Marion Collomb, Manon Grosset, Chloé Hadida, Claire Poinot et Maurine Vandervode
(1) Néanmoins, la consommation d’électricité n’est pas un indicateur suffisant de mauvais impact environnemental et dépend du mix énergétique. Par exemple, les data centers de Yahoo seraient moins polluants que ceux de Google car leur électricité proviendrait d’énergies renouvelables.
Sources :
– The Shift Project, 2018, « Pour une Sobriété Numérique », https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2018/11/Rapport-final-v8-WEB.pdf
– ADEME, 2019, « La Face Cachée du Numérique », https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/guide-pratique-face-cachee-numerique.pdf
– GreenIT, 2019, « Empreinte Environnementale du Numérique Mondiale », https://www.greenit.fr/wp-content/uploads/2019/10/2019-10-GREENIT-etude_EENM-rapport-accessible.VF_.pdf
– Les Amis de la Terre, 2012, « L’obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage », https://www.amisdelaterre.org/wp-content/uploads/2012/10/rapport-op-bdef-2-.pdf (septembre 2010)
– https://www.greenpeace.fr/la-pollution-numerique/
Pour aller plus loin :
– Point de MIR, la maison de l’informatique responsable propose des ateliers, des formations, des expositions, des débats sur le thème des bonnes pratiques numérique.
– Film Welcome to Sodom : http://www.welcome-to-sodom.com/