Mercredi 13 janvier 2021, la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale examinait le rapport d’information « Comment l’Union européenne peut-elle parvenir à la neutralité climatique en 2050 ? » dirigé par les député.e.s Nicole Le Peilh (LREM) et Bernard Deflesselles (LR).
Les deux rapporteurs convenaient de la nécessité de rehausser nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre de 40 à 55% d’ici 2030 : « Si nous voulons respecter l’accord de Paris, […] il faut que nous passions par la neutralité carbone en 2050. [Actuellement,],les résultats ne sont pas à la hauteur de nos ambitions. […] Nous sommes en ligne pour 40%, pas pour 55%. […] Notre pays, la France, est un peu à l’unisson de l’Union européenne. […] Le Haut conseil pour le climat nous dit que nous sommes plutôt entre 36 et 40%. […] L’objectif 2030 n’est pas atteignable. […] Nous ne pouvons pas atteindre la neutralité en 2050 sans des points de passage. ». Mais ils dénonçaient en même temps les ambitions trop grandes de l’Union européenne. Or, « la crédibilité de l’Union européenne passe par la tenue des objectifs.» Nos député.e.s pointaient aussi le manque de moyens financiers proposés par l’UE.
Nous sommes tentés d’interpeller ces député.e.s et de leur demander : « Et la vôtre de crédibilité, ne va-t-elle pas être engagée quand vous convenez que la trajectoire actuelle emmène nos congénères vers une élévation de 3,5 à 3,9°C en France à la fin du siècle ? Les ambitions de la loi climat et les moyens que met l’Etat français sont-ils à la hauteur des enjeux ? Ne craignez-vous pas que dans les années à venir, le nombre de recours juridiques contre les gouvernants actuels explose parce qu’ils n’ont pas pris les décisions qui s’imposaient ? »
Nous retrouvons le même embarras sur la modification de l’article 1 de la Constitution. Le Président de la République souhaite soumettre à référendum la proposition faite par la Convention citoyenne pour le climat d’y ajouter : « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et la lutte contre le changement climatique. » Le sujet n’est pas encore inscrit à l’ordre du jour à l’Assemblée. Quant au Sénat, sa majorité LR veut en modifier la sémantique. Elle demande ainsi de remplacer « garantit », qui fait obligation, par « préserve », afin de limiter la responsabilité du politique. De même, ces parlementaires souhaitent retirer « lutte » et lui substituer « agit ».
Le texte du projet de loi issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat ne permet pas d’atteindre les objectifs retenus pour respecter l’accord de Paris. Or ce texte ne s’écrit même pas sur la base d’une réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre, mais sur celle d’une réduction de 40%, correspondant à la commande passée aux citoyens de la Convention. Dans son étude décrivant les impacts de la loi, le gouvernement avoue lui-même que « ce projet contribue à sécuriser l’atteinte d’entre la moitié et les deux tiers du chemin à parcourir entre les émissions en 2019 et la cible en 2030 ». Le Conseil national de la transition énergétique ne dit pas autre chose, indiquant « la baisse insuffisante des émissions de gaz à effet de serre (GES) induite par cette loi et les politiques actuelles vis-à-vis de l’objectif de réduction de 40% en 2030 par rapport à 1990 et du respect des budgets carbone. » Le Conseil économique, social et environnemental n’est pas en reste : « Les estimations [fournies par le rapport de présentation du projet de loi] mettent […] en évidence le non-respect récurrent et annoncé à l’avance des objectifs fixés. » Comparées à ces objectifs, « les nombreuses mesures du projet de loi, considérées une par une, sont en général pertinentes mais souvent limitées, souvent différées, souvent soumises à des conditions telles qu’on doute de les voir mises en œuvre à terme rapproché ».
Dans ces conditions, nous comprenons la circonspection des parlementaires à l’égard de l’objectif européen de -55% ! Tout cela résulte de la volonté de l’exécutif d’être dans l’atténuation, pas celle des émissions de gaz à effet de serre, mais celle des propositions de la Convention citoyenne. Nous sommes dans l’adaptation, non au dérèglement climatique déjà en cours, mais aux exigences des lobbies. La pollution des écosystèmes, dont les citoyens voulaient faire un crime, devient ainsi un délit. L’objectif fixant à 95% la flotte de voitures neuves émettant en 2030 moins de 95g de CO2/Km ne retient pas le palier intermédiaire de 110gdeCO2/Km en 2025, et la rénovation globale des bâtiments se transforme en une interdiction de location des passoirs thermiques, déjà présente dans la loi Energie-climat de 2019…
Reste encore le travail du Parlement. Une commission parlementaire est chargée de préparer le texte pour un examen devant l’Assemblée nationale pendant le mois de mars. Il nous reste quelques semaines pour interpeller et pousser nos députés à l’ambition, les inspirer des propositions de la Convention citoyenne pour le climat et sauver ce projet de loi essentiel pour tenir les objectifs climatiques de la France et de l’Europe.