Dans ce 3e article sur la forêt, rédigé en partenariat avec l’ONF, nous abordons la question de l’usage du bois. Matériau renouvelable et polyvalent, le bois est très utile. Mais sa production nécessite de couper des arbres, ce qui est souvent mal perçu. Quelle est l’ampleur des coupes dans les forêts ? À quoi est utilisé le bois ? Comment les usages vont-ils évoluer à l’avenir ?

Article rédigé avec l’Office national des forêts (ONF).

Pourquoi faire des coupes dans les forêts ? Quelle proportion est prélevée à chaque fois ?

C’est une question importante : pourquoi couper du bois dans les forêts ? Pourquoi ne pas les laisser telles quelles ? 

Le bois a de nombreux débouchés économiques, très utiles pour notre société. On peut s’en servir pour faire de la construction, des meubles, du papier, du carton, du chauffage, etc. Ne pas vouloir couper d’arbres dans les forêts françaises impliquerait de se passer de ces usages ou de remplacer le bois par des matériaux qui ne seraient pas renouvelables et plus polluants à produire. En plus d’être une ressource renouvelable, le bois est un matériau positif pour le climat puisqu’il stocke du CO2 et  remplace des matériaux dont la fabrication est intensive en énergies fossiles comme le béton, l’acier, le plastique ou la chimie pharmaceutique. De plus, c’est une ressource locale, et la filière bois mobilise plus de 400 000 emplois locaux.

Coupe de bois

Image modifiée à partir de Harrington 2002

Une autre raison de couper du bois est l’entretien de la forêt. Dans le jeune âge, ces coupes permettent de laisser mieux venir les arbres restants, choisis pour leur qualité. Par ailleurs, il convient d’enlever les arbres dépérissants qui peuvent poser un problème de sécurité. Lorsque le public se promène en forêt, ou réalise d’autres activités, il y a un risque pour qu’un arbre dépérissant ou ses branches tombent et provoquent un accident. Enfin, une dernière raison est de préserver la santé de la forêt. Si un arbre est infecté par un parasite, il faut l’abattre avant qu’il ne contamine ses voisins. 

Maintenant se pose la question suivante : à quelle fréquence couper du bois ? Quelle proportion est prélevée chaque fois ? Si on ne prélève pas de bois dans une forêt, elle arrive à saturation, typiquement comme la forêt naturelle en Guyane. Cela signifie que le stock de bois total reste stable. Il y a autant de bois en moins, à travers la mortalité, que de bois en plus, à travers la croissance et la régénération. La gestion forestière est organisée pour trouver un équilibre avant cette saturation, entre la croissance et la récolte. Cela permet de produire le plus de bois matériau possible, tout en préservant la régénération de la forêt et en assurant la captation de CO2. Nous rappelons, comme vu dans le premier article, que la forêt française est en expansion !

La coupe en forêt est donc utile pour de nombreuses raisons, notamment parce qu’elle est source d’un matériau renouvelable et local. La forêt est gérée de manière à produire des arbres de futaies, longs et droits, qui sont utilisés pour la construction et pour les meubles (au temps de Colbert, c’étaient ceux utilisés pour construire des bateaux). La gestion de la forêt dans la finalité de production de bois s’appelle la sylviculture.

Au cours de la croissance d’une forêt, plusieurs types de coupes sont réalisées :

  • Les coupes d’éclaircies permettent de privilégier les plus beaux arbres, sans défauts et bien venants dans la forêt. Dans une forêt en régénération naturelle, les éclaircies permettent aussi de privilégier les essences “objectifs” déjà présentes sur place, auxquelles on peut associer des essences secondaires d’accompagnement. Les essences sont choisies en fonction des conditions locales du sol et du climat, en veillant de plus en plus aux critères de résistance au changement climatique et de préservation de la biodiversité locale.
  • Les coupes d’améliorations servent à “tailler la forêt”, afin qu’elle ait la forme finale désirée. Sont coupés les arbres secondaires qui n’ont pas la forme voulue, pour laisser mieux se développer les arbres d’avenir.
  • La coupe finale sert à récolter le bois une fois que la forêt est arrivée à maturité. C’est celle qui est la plus importante en quantité et qualité de bois récolté. Quand le renouvellement de la forêt se fait par régénération naturelle, la coupe finale peut s‘étaler sur plusieurs interventions espacées de quelques années, afin de laisser les arbres semenciers (les plus beaux arbres) assurer les semis de la future régénération. La coupe d’ensemencement réalisée à la fin se fait au-dessus d’une régénération acquise.
Cycle sylviculture feuillus

Est-ce que tout le bois prélevé est utilisé pour être brûlé ?

La réponse est à la fois oui et non !

La réponse est non, car le bois a de nombreux autres usages. Il peut être utilisé pour du bois d’œuvre (construction, meubles, parquets), du bois industrie (papier, carton) ou du bois énergie (bûches, granulés).

La réponse est cependant oui, car tout le bois finira un jour par être brûlé. Lorsque du bois est utilisé pour la construction, on peut le garder plusieurs dizaines, voire centaines d’années. Une fois qu’il doit être remplacé, ce bois peut être réutilisé pour un second usage (panneaux) mais il finira brûlé pour récupérer son énergie. Donc, toute forme de bois a pour vocation finale d’être brûlé, et c’est une très bonne chose : le bois prélevé aura une utilité jusqu’au bout de sa vie. C’est un cycle d’économie de matière.

Aujourd’hui, sur les 53 millions de mètres cubes de bois récoltés chaque année :
  • 20 millions sont utilisés pour le bois d’œuvre,
  • 11 millions sont utilisés pour le bois industrie,
  • 9 millions sont utilisés pour du bois énergie dit commercialisé, ce qui signifie qu’il sera transformé puis vendu (bûches, buchettes, granulés). Le bois utilisé pour chauffer les maisons est issu principalement de bois d’éclaircissement, ou des parties les moins nobles des arbres coupés préalablement pour la construction, l’ameublement ou la tonnellerie par exemple. Les granulés sont eux produits grâce aux sciures et plaquettes issues de la première ou deuxième transformation du bois. On ne coupe pas d’arbre spécifiquement pour produire du bois de chauffage,
  • 13 millions sont utilisés pour du bois énergie dit non commercialisé, ce qui signifie que ce bois est directement consommé sur place (par exemple un village local qui prélève son propre bois).

Lors de la croissance de la forêt décrite à la question précédente, les coupes d’éclaircies et d’améliorations donnent surtout du bois énergie. À ce stade, les jeunes arbres coupés sont trop petits pour servir de bois d’œuvre ou même de bois pour l’industrie. Quand les arbres sont un peu plus grands, on commence à pouvoir produire du bois industrie (usage dans les panneaux, emballages et papiers-cartons). Autrement dit, même si la sylviculture a pour finalité de produire du bois matériau, on récolte du bois énergie tout au long du processus.

De même, à chaque étape de transformation du bois, il y a des pertes. Mais tout est ensuite utilisé. Les sciures et chutes sont recyclées en bois industrie ou en bois énergie. Lorsqu’une grume (tronc d’arbre) est sciée pour réaliser du bois d’œuvre, environ 50 % de sa masse est recyclée de cette manière.

En conclusion, tout le bois prélevé est utilisé, et il y a une économie de la matière très importante. Rien n’est perdu, tout se transforme, et tout a une utilité.

Comment va évoluer l’usage du bois à l’avenir ?

La forêt fait face au double défi du changement climatique et d’une augmentation de la demande en bois pour remplacer les usages fossiles (matériau et énergie). Comment gérer les forêts françaises pour les rendre plus résilientes tout en conservant leur productivité ?

Le cabinet d’étude Carbone4 a réalisé une étude avec la filière bois pour voir comment elle peut contribuer à la transition bas-carbone, en particulier à travers une meilleure valorisation de ce matériau renouvelable, et assurer une souveraineté française pour l’approvisionnement de bois d’œuvre comme pour la construction et la rénovation durables. Le bois est vu comme un matériau clé pour la séquestration du carbone, à condition de préserver la gestion durable des forêts. D’ici 2050, le rôle du bois en tant que matériau de construction devrait augmenter et remplacer des matériaux à haute empreinte carbone comme le béton et l’acier.

Carbone4 propose, pour assurer cette autonomie, plusieurs challenges : à la fois une certaine augmentation de récolte associée à une accélération de l’adaptation des forêts au changement climatique, une plus grande valorisation du bois récolté vers le matériau (notamment pour les feuillus) et une augmentation des efforts de recyclage du matériau en fin de vie. Par ailleurs, cette étude montre l’obligation de limiter les prévisions d’usage de biomasse pour les nouveaux besoins comme pour les carburants liquides.

La gestion forestière deviendra également cruciale pour adapter les forêts au changement climatique. Des investissements sont donc nécessaires dans les infrastructures pour transformer le bois et intégrer des pratiques qui augmentent la résilience des forêts face aux nouvelles conditions climatiques.