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En parallèle de l’ouverture de la COP24 en Pologne ce 2 décembre, près de 70.000 personnes sont descendues dans les rues de Bruxelles pour demander moins de bla-bla et plus d’actions de la part des politiciens. Et du côté des finances, quelle réponse apporter à cette demande d’une transition écologique, alors que certains craignent pour leur pouvoir d’achat ?

Pierre Larrouturou est un économiste et homme politique français qui a élaboré un plan pour financer la transition écologique. Là où certains veulent opposer pouvoir d’achat et climat, croissance et sauvegarde de la planète, Pierre Larrouturou estime que la finance, notamment au niveau européen, peut et doit permettre de lutter contre le réchauffement climatique. Sur le plateau de Matin Première ce lundi, il est venu nous expliquer les solutions qu’il propose.

Il faut que les chefs d’État déclarent la guerre au dérèglement climatique

Saluant la mobilisation citoyenne autour du changement climatique, l’économiste s’adresse particulièrement au monde politique. « Il faut que les chefs d’État déclarent la guerre au dérèglement climatique : c’est la seule guerre qui ne fera pas de morts, qui rassemblera les peuples. Et le nerf de la guerre, c’est l’argent. Il faut que l’Europe et la Belgique se décident à mettre l’argent sur la table. » De tout les côtés, le message envers les décideurs est « Il faut passer à l’action ». « Il n’est pas trop tard, simplement il faut trouver les financements, pense Pierre Larrouturou. La BCE a créé presque 1000 milliards d’argent pour sauver les banques lors de la crise financière. Ensuite, depuis 2014, 3000 milliards ont été créés, et toujours pour nourrir la croissance. Presque 90% de ces sommes colossales sont allés à la spéculation sur les marchés financiers. Qu’on ne dise pas que cet argent ne peut pas aller dans la transition écologique, et créer des emplois. »

« Concrètement, on propose de créer une banque du climat. On demande aux chefs d’État que l’argent créé par la BCE, au lieu d’aller n’importe où et majoritairement à la spéculation, qu’il aille à une banque du Climat, qui aura l’obligation de financer des créations d’emploi sur tout le territoire. »

La deuxième idée est de dégager un budget de 100 milliards, et de le faire financer par les dividendes. « En France, l’année passée, il y a eu 23% d’augmentation de ces bénéfices qui ne sont pas réinvestis, qui vont aux actionnaires. On va tous devoir faire des efforts pour sauver le climat, et ici ce que l’on va demander aux actionnaires, c’est une contribution de 5%. Sachant qu’en Europe, il n’y a jamais eu autant de bénéfices, mais l’impôt sur ces bénéfices a été divisé par deux en 40 ans. Quand j’étais petit, l’impôt sur les bénéfices était à 45%, maintenant il est tombé à 19%. »

« La question est de savoir qui doit payer »

Et de rejoindre, par certains points, les revendications des gilets jaunes. « La question est de savoir qui doit payer. En France et en Belgique, ils sont à peu près 40% à ne pas avoir d’épargne, à être dans le rouge tous les mois, qui n’ont pas dix euros d’avance. Est-ce que c’est à eux de payer la transition, sachant que parfois c’est eux qui en souffrent le plus ? Faut-il faire reposer l’effort sur leurs épaules, ou aller chercher cet argent ailleurs ? « 

Refusant de parler croissance ou décroissance, voyant dans le PIB un mauvais indicateur, Pierre Larrouturou préfère parler de frugalité dans l’adaptation de nos comportements.  »

Prône la frugalité : « Aucune énergie n’est totalement propre. Passer d’une grosse voiture à pétrole à une grosse voiture électrique ne résoudra pas le problème. Ce qu’il faut faire c’est, avant de prendre sa voiture, se demander si l’on ne peut pas plutôt faire ce trajet à pied, à vélo. Se dire que, à priori, on ne prendra pas l’avion. Personnellement, j’essaye de manger moins de viande. C’est ça la frugalité. « 

« Les citoyens veulent réfléchir et se mettre en mouvement, la preuve en est de la manifestation de ce deux décembre, maintenant c’est aux politiques de se bouger. »