La politique climatique et énergétique de la France vise un objectif de long terme qui est celui de la neutralité carbone en 2050, ce qui signifie que les émissions de GES résiduelles à cet horizon devront être compensées par la capacité des puits de carbone naturels (forêts, prairies, océans…) ou artificiels (capture et stockage du carbone émis).
Plusieurs scénarios ont été élaborés ces dernières années par différents acteurs pour décrire et éclairer l’atteinte de cet objectif : ADEME, RTE, Shift Project et Négawatt notamment. Sur base de ces différentes analyses, l’État propose aujourd’hui un texte programmatique, dans sa 3e version révisable tous les 5 ans, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sur les périodes 2025-2030 et 2030-2035.
Les grands axes de la PPE 3 sont les suivants :
- Une drastique réduction de la consommation d’énergie finale : 1 410 TWh/an en 2030 contre 1 496 TWh en 2023. Cette réduction s’accompagne d’une augmentation de la part de l’électricité dans cette consommation finale, au motif que la production d’électricité est décarbonée et devra le rester. Cette diminution de consommation et le transfert vers l’électricité, aussi appelé électrification des usages, se feront via la rénovation énergétique des bâtiments, l’électrification des transports et la décarbonation de l’industrie.
- Accroître la production énergétique décarbonée, nucléaire et énergies renouvelables, électriques, thermiques, gazières ou biocarburants. Pour les renouvelables électriques, il conviendrait de passer de 127 TWh/an en 2023 à 207 TWh/an en 2030. Les besoins en énergie ne pourront être totalement couverts par l’électricité et il faudra augmenter la production de chaleur et de froid renouvelable, biomasse, énergie de récupération, géothermie ou solaire thermique et gaz renouvelables
- Le parc nucléaire français assure une production de 320 TWh en 2023. L’objectif 2030 est de faire parvenir la production des centrales existantes à 360 TWh/an. Aucune nouvelle centrale nucléaire ne devrait être en production aux horizons du projet de PPE 3.
Ce qui apparaît malheureusement en mars 2025, c’est que la politique appliquée par les différents gouvernements depuis plus d’un an (Attal, Barnier, Bayrou) s’inscrit complètement à rebours des orientations du projet de PPE 3. Tentative de baisse brutale de la dotation du Fonds Chaleur de l’ADEME, pourtant reconnu par la Cour des comptes comme l’outil public le plus performant en termes de lutte contre le changement climatique, baisse tout aussi brutale du Fonds vert destiné aux collectivités territoriales ou baisse de la dotation à Ma Prime Rénov et des subventions aux véhicules électriques.
Cerise sur le gâteau, la Loi de Finances 2025 a acté d’augmenter les accises sur l’électricité pourtant quasi totalement décarbonée qui est plus taxée que le gaz fossile. La stratégie climatique française repose en grande partie sur l’électrification des usages et les dispositions de la Loi de Finances auront pour conséquence de dissuader les consommateurs, particuliers, collectivités et entreprises de convertir leur consommation d’énergies fossiles en consommation électrique. L’autre grand axe de la stratégie est le développement de la chaleur renouvelable mais le Fonds Chaleur dans la loi de finances 2025 n’a été sauvé que par la levée de boucliers des associations professionnelles et des élus locaux. Le projet de PPE 3 propose de s’appuyer sur les collectivités locales pour atteindre les objectifs mais la Loi de Finances réduit le budget du Fonds vert. Comprenne qui pourra !
Comme je l’ai déjà écrit précédemment, le monde politique devrait d’urgence se reconnecter à la volonté populaire : les projets d’énergies renouvelables citoyens se multiplient, les rénovations d’ampleur des logements décollent réellement depuis la stabilisation des barèmes d’aide de l’ANAH, l’autoconsommation photovoltaïque se développe par centaines de milliers de réalisations annuelles tant chez les particuliers que dans les entreprises ou collectivités.
Si l’ambition est réelle, neutralité carbone en 2050 avec comme principaux moyens l’électrification d’une grande partie des usages de l’énergie et une production d’électricité renouvelable en forte hausse, force est de reconnaître que la politique appliquée est incohérente avec cette ambition. L’État réduit le soutien à la rénovation énergétique des bâtiments, donc à leur électrification, et le soutien financier à la mobilité électrique. Il s’étonne ensuite que la consommation d’électricité n’augmente pas comme attendu et prend donc des mesures, comme la révision des tarifs d’achat du photovoltaïque, pour ralentir la progression des EnR électriques au motif que la consommation électrique ne justifie pas une progression de la production. Belle démonstration d’incohérence et de manque de constance dans l’application d’une stratégie.
Comment convaincre particuliers, collectivités ou entreprises d’investir dans la transition énergétique si l’État est insincère dans sa mise en œuvre et ne montre aucune vision stratégique pour la décennie à venir ?
Rappelons enfin que la diminution des consommations et le développement des énergies renouvelables réduisent le déficit de la balance commerciale, préservent ou améliorent le pouvoir d’achat des citoyens et rendent la France plus indépendante de la géopolitique de l’énergie. Monsieur Bayrou, pouvez-vous sortir la tête du sable ?